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Soudain, quelques minutes après, à 5 h. 30, il pousse un cri d’alarme : « Ma droite, sur les hauteurs, a été obligée de se replier. Je me trouve compromis gravement. Envoyez-moi des troupes très vite et par tous les moyens. »

Bazaine est surpris de ce revirement presque subit. Il ne tarde pourtant pas à secourir son lieutenant : il ne pouvait sans dégarnir Saint-Avold envoyer la seule division qu’il eut sous la main, celle de Decaen, mais il lui télégraphie : « Je vous envoie par le chemin de fer le 60e de ligne. Renvoyez-le-moi par la même voie dès qu’il ne vous sera plus nécessaire (6 heures). » Cette dépêche est expédiée en double. A 6 h. 6, il la complète : « Je vous envoie un régiment par le chemin de fer. Le général Castagny est en marche vers vous ; il reçoit l’ordre de vous joindre. Le général Montaudon a quitté Sarreguemines à cinq heures, marchant sur Grosbliederstroff. Le général Metman est à Betting. Vous avez dû recevoir la brigade de dragons du général Juniac. » Et il télégraphie à Castagny : « Portez-vous sans retard, et avec vos moyens d’action, à portée et à hauteur du général Frossard. Entrez immédiatement en relations avec lui et faites ce qu’il vous commandera. »

Qu’était-il donc survenu qui avait changé la confiance de Frossard en détresse ? C’était l’entrée en ligne de la XIIIe division prussienne Glümer, venant de Sarrelouis. Le gros de cette division marchait sur Petite Bosselle, et son avant-garde, divisée en trois colonnes, sur Stiring. Ces trois colonnes n’étaient pas de force à enlever nos divisions, et elles étaient encore éloignées, lorsque Frossard apprit leur approche. À cette annonce, il fut affolé, se crut perdu. A l’inverse de Mac Mahon qui ne comptait des corps d’armée que comme des divisions, lui ne cessait de voir des corps d’armée là où il n’y avait pas même des brigades. Il quitta son quartier général et courut à Stiring vers Bataille et Vergé. Il prévint les deux généraux qu’il allait être obligé de battre en retraite et leur indiqua de le faire par les crêtes sans marquer le point précis. Bataille, admirable toute cette journée de vigueur, d’intelligence, de sang-froid, d’élan, représenta qu’il ne croyait pas que cette décision s’imposât. Frossard l’écoute et suspend son dessein, mais il lance un nouvel appel de détresse à Bazaine : « Les Prussiens font avancer des forces considérables ; je suis attaqué de tous côtés ; pressez le plus possible le mouvement de vos troupes (6 h. 35). » Instruit par la