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eu plus d’influence, puisqu’elle est arrivée après la résolution arrêtée. Cette dépêche était ainsi conçue : « 7 août au soir, Emile Ollivier à l’Empereur : Nous avons répondu un peu vite ce matin sur l’effet de la retraite de Châlons. L’effet ne sera pas bon. Il va de soi que nous ne parlons que politiquement ; mais le point de vue stratégique doit remporter sur le point de vue politique, et vous êtes le seul juge. »

Conçoit-on qu’en présence de ce document on ait pu parler du plan militaire du ministère Ollivier ? Notre seul plan militaire était de n’en avoir aucun et de ne pas prendre une responsabilité quelconque dans des résolutions dont nous étions incapables, de loin, de juger l’opportunité. Nous ne pouvions pas répondre que l’opinion publique serait ravie d’apprendre qu’après quatre jours de campagne, l’armée abandonnait la Lorraine et l’Alsace et prenait la fuite sur Châlons. Le surprenant est qu’on ait cru devoir nous interroger. Nous répondîmes en nous gardant d’empiéter sur le domaine que nous nous étions interdit : nous nous contentâmes de mettre l’esprit de l’Empereur à l’aise, en lui conseillant, quelque mauvais que fut l’effet politique, de ne pas s’y arrêter et de ne tenir compte que des nécessités stratégiques ? :

Le 8 août, en conséquence de la décision prise le 7 dans la soirée, de nouvelles directions furent données à l’armée. L’état-major fît connaître à Frossard, alors à Brulange, que l’ordre de retraite sur Châlons était révoqué et qu’il eût à se porter sur Metz par la ligne la plus directe en se conformant aux instructions de Bazaine. L’ordre de se mettre en mouvement sur Metz avait déjà été donné aux autres corps la veille. La concentration sur Châlons ne fut maintenue qu’aux 1er et 3e corps dont on comptait faire le centre d’une seconde armée dont le quartier général serait à Paris sous Canrobert.


V

La retraite subit un temps d’arrêt le 9 août. « Je vous prie en grâce, écrivait le général Decaen à Bazaine, de ne pas m’ordonner de mouvement aujourd’hui. Les hommes sont rendus de fatigue, la soupe n’est pas encore mangée, et il faudrait encore y renoncer ce soir. Il leur faut un peu de repos. » Montaudon et les autres généraux lui adressaient la même prière. Ladmirault écrivait : « Depuis cinq jours, mes troupes sont en marche ; la