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ayant arrêté l’assaillant, veulent le rejeter vers la Sarre. Un clairon sonne la charge. Ils abandonnent la crête principale sur laquelle ils se tenaient, se précipitent dans le ravin, et, à coups de crosse, refoulent les Prussiens. Ceux-ci se reforment, s’élancent, débordent l’héroïque petite troupe et l’obligent à regagner la crête qu’elle avait abandonnée. Mais elle ne peut s’y tenir et le colonel d’Istria la reporte en arrière de la crête principale. Là on ne peut l’entamer. Alvensleben, qui n’avait pas réussi du côté du Gifertwald et de l’Eperon, n’était pas plus heureux du côté du Forbacherberg. Il avait partout gagné quelque terrain, mais il était partout arrêté ; son mouvement enveloppant n’avait pas réussi contre Laveaucoupet, et il n’avait pu couper en deux l’armée française.

Laveaucoupet ne s’était pas douté du péril auquel avait été exposée son aile gauche et auquel l’avait arraché l’initiative de Bataille et de Gabrielli. Nullement inquiet de ce côté, poussé par cet instinct offensif indestructible, quoi qu’on ait dit, dans l’armée française, il voulut tenter avant la nuit un dernier effort, par son front et son aile droite, sur l’Eperon et le Gifertwald. Sur l’Eperon, les tirailleurs prussiens reculèrent d’une centaine de pas sur la crête ; mais une résistance énergique de différentes fractions, notamment du colonel Rex, parvint à arrêter nos progrès. Au Gifertwald, notre action fut plus efficace. Quelques groupes prussiens isolés, engagés dans le bois, réussirent à s’y maintenir ; le reste, cédant devant l’attaque, se replia et alla finalement se rallier, tant bien que mal, à Sarrebrück sur la place de l’Eglise. Laveaucoupet dit dans son rapport : « La nuit tombant, l’ennemi cessa son feu, évacua la ligne qu’il avait fini par conserver, après en avoir été chassé quatre fois, descendit dans la plaine et, se couvrant par des avant-postes, alla sur les hauteurs de Sarrebrück reprendre son bivouac du matin, »

Ainsi à la fin de la journée, Alvensleben n’avait pas réalisé son dessein. Il n’était pas maître de Spicheren, il n’occupait pas même le plateau. Il n’avait pu débusquer Laveaucoupet de ses dernières positions, ni le tourner par la droite ou la gauche. Il était parvenu à se tenir sur la première crête, il n’avait pu progresser au delà

Dans la vallée, les Allemands s’étaient rapprochés davantage du but ; ils ne l’avaient cependant pas atteint. Zastrow n’avait pas déployé moins d’énergie qu’Alvensleben pour se rendre maître