Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous coucher, répéta le Prince. Après tout, nous sommes sûrs de n’être pas enlevés cette nuit. »

En s’en allant, ils rencontrèrent Jérôme David. Il arrivait de Forbach et, d’une maison il avait vu le combat jusqu’à cinq heures et demie. On avertit l’Empereur qui revient dans son cabinet. Jérôme David raconte ce qu’il a vu et dit qu’il considère ce combat comme une victoire plutôt qu’une défaite, mais la retraite de la fin de la journée paraîtrait une déroute si on ne s’avançait au plus tôt. Le Bœuf, fort de cet appui inattendu, revient à la charge une troisième fois, et il est soutenu énergiquement par Jérôme David. La résistance de l’Empereur est enfin vaincue. Il cède ou du moins parait céder. Il se rendra le lendemain à Saint-Avold, accompagné de quatre aides de camp et de quatre officiers d’ordonnance ; il se placera au milieu de ses troupes et organisera le mouvement offensif ; Bazaine sera invité à appeler à lui Ladmirault ; la Garde est déjà en route vers Saint-Avold ; un train partant à deux heures du matin transportera les équipages de l’état-major ; l’Empereur partira à quatre heures[1]. Cette résolution relève les courages, et un sentiment d’espoir succède à l’abattement. On utilise le mieux possible les trois ou quatre heures qui séparent du départ. L’Empereur télégraphie à Bazaine (3 h. 30) : « Je vais me placer au centre de la position. » Le Bœuf télégraphie de son côté : « Un effort sérieux est nécessaire. Une bataille est imminente. »

Le lendemain, dimanche 7 août, à quatre heures du matin, l’Empereur montait en wagon. Il était à peine assis qu’un employé de la Compagnie lui remet un télégramme. Il l’ouvre et il lit que l’on est sans nouvelles de Frossard. Cette incertitude sur le sort de Frossard pouvait empêcher de chercher la bataille ce jour-là, mais non de se porter au centre de la position. Elle était pour un général en chef un motif de plus de s’avancer sur sa première ligne, d’aller se rendre compte de la situation physique et morale des troupes, de les soutenir ou les diriger en une crise qui pouvait être décisive. L’Empereur n’aurait certainement pas manqué à ce devoir, s’il en avait eu la force. Son état de souffrance ne lui laisse voir dans le fait qui devait confirmer sa résolution de la nuit qu’un prétexte d’y renoncer. Il se retourne vers Le Bœuf prêt à s’asseoir à ses côtés et lui dit

  1. Carnet de Castelnau.