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les difficultés que présentent les entreprises que l’on propose. Au premier embarras, ils prouvent péremptoirement qu’ils ont tout prévu. Ils ont toujours raison, car comme ils ne proposent jamais et surtout n’exécutent eux-mêmes quoi que ce soit de positif et de réel, le résultat de leurs propres entreprises ne peut jamais servir à les réfuter. Ces hommes de l’éternelle négation sont la perte des généraux en chef[1]. On vit à l’œuvre à Metz ces hommes funestes. Ils se répandirent en prédictions sinistres ; tout leur paraissait fini : l’armée, la France et surtout l’Empereur.

Les critiques les plus acerbes étaient celles du prince Napoléon : il n’épargnait rien ni personne et ne cessait de déclamer contre la politique de sous-officier qui nous avait conduits à la guerre. Cependant aucun pessimisme n’égala celui que l’Empereur cachait sous son calme imperturbable. Le peu de volonté active qui restait en lui s’était évanoui : il voyait la partie irrévocablement perdue ; il n’avait aucun espoir de la relever ; Paris était menacé d’un rapide investissement ; il ne fallait plus songer qu’à le défendre, et, par un mouvement de sauve-qui-peut, abandonner l’Alsace, la Lorraine, la Champagne à l’invasion, se retirer en hâte sur Châlons, y appeler les débris de Mac Mahon, Failly, F. Douay, et là s’interposer entre l’invasion et la capitale. A partir du 6 août, ce fut son idée constante. Sous la pression exercée, il a paru parfois y renoncer ; il y est toujours revenu. Il n’a été indécis qu’en apparence ; en réalité, il n’a voulu alors qu’une seule et même chose : quitter Metz, revenir à Châlons.


II

Le soir de ce jour, l’Empereur, ayant autour de lui le prince Napoléon, Le Bœuf, Castelnau, délibéra sur ce que les circonstances exigeaient. Aussitôt il découvre l’idée qui obsède son esprit, de s’interposer entre l’ennemi et la capitale, de se concentrer sur Metz puis sur Châlons. Le prince Napoléon l’approuve ; Le Bœuf contredit : l’Empereur s’est déjà trop attardé à Metz, il devrait être au centre de ses troupes, s’établir au milieu d’elles, les diriger en personne ; se replier sur Châlons serait une irréparable

  1. Campagne d’Italie de 1859, par l’état-major prussien, à propos du quartier général autrichien.