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Qu’est-ce qu’un grain ?

Le baromètre est bas, le ciel plutôt clair, le vent très supportable. Tout à coup, une étroite et courte bande de nuages apparaît à l’horizon, du côté du Sud-Ouest, le plus souvent (dans nos pays, bien entendu). Peu à peu cette bande s’allonge des deux côtés et monte, lentement d’abord, puis très rapidement, simple effet de perspective, car sa vitesse de propagation est assez constante. Au moment où la bande approche du zénith, on peut souvent voir se produire de petits tourbillons ascendans de poussière, mais, toujours, un coup de vent violent apprend à l’observateur qu’il y a quelque chose de changé dans l’atmosphère, et le baromètre monte brusquement. Le vent, quelques instans auparavant, n’était qu’un doux zéphyr ; maintenant il passe du Sud-Ouest au Nord-Ouest en devenant un vent de tempête de 25, 30 mètres à la seconde. Les nuages continuent à avancer, le ciel se couvre de plus en plus, même vers l’Est, l’air se rafraichit, la pluie ou la neige, suivant la saison (quelquefois la grêle) arrive et, le plus souvent, l’orage se met de la partie car, en général, dans nos pays, lorsque l’atmosphère est saturée d’électricité, l’orage est déclanché par un grain. C’est l’instant où les animaux du ciel et de la terre cherchent un abri, et l’homme aussi, car les parapluies se retournent et les chapeaux s’envolent. Voilà ce que c’est qu’un grain !

Au bout d’une heure en moyenne, souvent moins, quelques minutes seulement, le vent se calme, retourne lentement au Sud-Ouest ou à l’Ouest, la pluie s’apaise, l’orage s’éloigne, la température se réchauffe, le baromètre, après une baisse aussi brusque que sa hausse de tout à l’heure, remonte à son point de départ, le ciel redevient clair, quelquefois, cependant, plus troublé qu’auparavant : le grain est passé ! Les animaux sortent alors de leur retraite et l’homme retourne à ses occupations ou à ses plaisirs.

La violence des grains est très variable, mais ce n’est que rarement que les petits tourbillons dont on vient de parler se transforment en véritables trombes, à l’intérieur desquelles, comme dans les dépressions, le vent tourne rapidement, sur notre hémisphère, en sens inverse des aiguilles d’une montre. Il est assez fréquent, du reste, de voir des grains sans orage, sans pluie : l’été dernier nous en a donné des exemples.

Ce même été, d’ailleurs, nous a permis de constater la