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réclamer la suprématie de l’ancienneté ; il laisse Alvensleben poursuivre l’affaire.

Alvensleben, après une rapide exploration personnelle, se rend compte que la situation n’est satisfaisante nulle part. Woyna a eu d’abord quelques avantages ; il a surmonté les résistances qui l’ont ralenti et il tente avec le 53e un mouvement tournant sur notre gauche plus audacieux et plus étendu que le précédent ; il était arrivé ainsi jusque sur l’embranchement ferré des Vieilles Houillères et avait répandu une telle alarme parmi les rangs français que l’intendant du 2e corps Bagès, après avoir pris l’initiative de faire chauffer les locomotives disponibles à la gare de Forbach, fit partir trois cents wagons d’approvisionnement sur trois cent cinquante en stationnement. Mais les demi-bataillons de sa brigade, après s’être approchés du village de Stiring, n’avaient pu nous attaquer : ils avaient dû même abandonner les positions conquises sur la chaussée du chemin de fer. Fusillé tant du haut du clocher que des bâtimens de la ferme, le major Werner se crut obligé de se replier sur Drahtzug en contournant Stiring. Ce recul eût été un désastre si un bataillon de fusiliers, aidé par des fractions de trois compagnies, n’avait fini par s’emparer de Baraque-Mouton et ne s’y était maintenu contre les attaques de notre 8e et d’une charge de notre cavalerie (4 heures). Sur le plateau de Spicheren, les Prussiens du Gifertwald s’étaient repliés ; ceux de l’Eperon, sans munitions, accrochés aux roches, allaient être rejetés sur le Gifertwald.

En somme, c’était une bataille perdue par les fautes de Kameke : attaque exécutée sans rassemblement et sans dispositif préalables, éparpillement des troupes, extension insensée du front, laisser-faire, laisser-aller absolus, exécution effroyable. Alvensleben ne songe qu’à tirer Kameke du mauvais pas où il s’est mis. Il ne s’inquiète pas du combat de la vallée et jette sur notre aile droite ses sept bataillons sans prendre le temps de grouper les troupes qui débouchaient et d’en former une grande unité tactique ; il les lance sur l’endroit le plus malade pour couvrir la blessure et rectifie de son mieux le combat de Kameke. C’est une nouvelle bataille qu’il faut engager, et c’est ce que va tenter Alvensleben, en tenant compte de ce qui est fait irrévocablement. Il prend, d’un coup d’œil rapide, sûr, audacieux, le parti suivant : il n’entrera point par petits paquets dans un combat en train, il en recommencera un en évitant la faute de s’émietter et de chercher