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moderne des grands marchés financiers a opérée dans les conditions du crédit public et dans les ressources des Etats. Alors même qu’un pays ne peut pas compter trouver à l’intérieur de ses frontières les concours suffisans, alors qu’il ne peut pas espérer voir ses emprunts souscrits en totalité ou en partie par ses nationaux, il s’adresse au dehors, — et, pour peu que la richesse de son sol, la puissance de son industrie, la vitalité et l’énergie de sa population, la bonne gestion de ses finances inspirent aux capitalistes étrangers une confiance suffisante, il obtiendra, au delà de ses frontières, les capitaux dont il a besoin. En cas de guerre européenne, il paraît très probable que le marché américain s’ouvrira largement aux emprunts de l’un ou de plusieurs des belligérans. A l’inverse de ce qui se passait lorsque le gouvernement de Washington, pendant la guerre de Sécession, émettait des obligations 6 pour 100 or, qu’absorbèrent les portefeuilles français et anglais, ce seraient les banques de New-York qui souscriraient les emprunts européens, auxquels il faudrait seulement attribuer un taux d’intérêt susceptible de tenter les capitalistes de Wall Street, habitués à des rendemens plus élevés que les nôtres. Ne les a-t-on pas déjà vus intervenir, il y a peu d’années, lors des émissions japonaises qui se multiplièrent au cours de la guerre contre la Russie ?

C’est donc en partie dans le crédit dont jouira chaque belligérant que résidera sa force financière. Celle-ci ne vient pas de la thésaurisation quelque peu enfantine des pièces de 20 francs. Elle réside avant tout dans l’aptitude du pays à supporter les épreuves d’une campagne qui appellera aux armes la plupart de ses enfans valides. Comment se comporteront l’agriculture, l’industrie, le commerce, au cours de l’épreuve sévère qu’infligera une guerre mettant aux prises des nations vivant sous le régime du service militaire obligatoire universel ? Comment les rouages complexes et multiples de la vie économique moderne fonctionneront-ils ? La mer sera-t-elle formée ou bien ouverte aux ravitaillemens nécessaires ? Mille problèmes.se poseront alors, dont la solution résoudra cette mystérieuse inconnue qu’est la lutte future du XXe siècle. Une seule chose nous paraît certaine, c’est que les succès militaires pèseront, plus que jamais, d’un poids énorme dans la balance et exerceront une influence décisive, même sur le facteur économique. Le vainqueur aura à sa disposition les capitaux de plus d’une nation neutre ou sympathique,