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peuples riches, l’est plutôt à ceux qui ont moins de ressources et surtout moins d’épargnes accumulées, notamment sous la forme de métaux précieux. La supériorité résultant de la possession d’un trésor de guerre constitué en lingots n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était au temps de Périclès, alors que les boucliers d’or suspendus aux murs du Parthénon et les autres réserves amassées dans les temples paraissaient aux Athéniens une des garanties de leur supériorité navale et partant de leur indépendance. Les 150 millions de francs enfermés dans la tour de Spandau, même les 3 ou 4 milliards d’or et d’argent qui reposent dans les caves de la rue de la Vrillière, ne sont qu’une faible partie de l’arsenal financier qui est à la portée des nations modernes. Il ne faut pas oublier tout d’abord que les espèces métalliques de la Banque de France servent de garantie à sa circulation et qu’elle ne pourrait en disposer, pour un but autre que le remboursement de ses billets, qu’en donnant à ceux-ci cours forcé, c’est-à-dire en prenant une mesure susceptible d’en ébranler le crédit. En réalité, ces espèces, qu’on s’imagine dormir inutiles et improductives dans les souterrains de l’établissement émetteur, circulent sous forme de papier, dont elles garantissent à toute heure le remboursement à vue : elles ne constituent donc pas une disponibilité réelle pour le Gouvernement, qui n’a aucun droit sur elles. Il est certain qu’en cas de nécessité la Banque n’hésiterait pas à consentir au Trésor des avances, comme elle n’a pas manqué de le faire en 1870 et à d’autres époques ; mais elle n’agit ainsi que par devoir patriotique, en vue de circonstances (exceptionnelles : sa situation au point de vue commercial en demeurerait affaiblie jusqu’au jour où le Trésor aurait remboursé les sommes empruntées par lui. C’est une grave erreur de parler de l’encaisse de la Banque de France comme d’un actif appartenant au Gouvernement. Elle a la destination que nous venons de rappeler et ne peut en être détournée que temporairement, et à la double condition qu’une nécessité de salut public impose des mesures exceptionnelles et que le premier soin des hommes chargés de la gestion des affaires publiques soit de rapporter les mesures dès que les temps seront redevenus normaux.

Voyons en effet ce qui se passerait si la Banque, au lendemain d’une déclaration de guerre, accordait par exemple au Gouvernement un premier prêt d’un milliard de francs et le lui fournissait