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régulier, et, à la moindre offensive vigoureusement prononcée, l’incapacité de se ramasser pour arrêter une débâcle.

Mais Frossard est un ingénieur plus qu’un général ; quoique intelligent et instruit, il n’a pas plus pratiqué les méthodes tactiques du XVIIIe siècle que celles du XIXe, et, quoique brave, il est écrasé par une responsabilité au-dessus de son expérience. Il ne s’établit pas sur le plateau, d’où il peut prendre la direction du combat, il se tient terré dans le bas-fond de Forbach, ne bougeant pas d’une maison où il ne voit rien, et il ne sait pas tirer des hommes admirables qu’il a sous la main les prodiges qu’ils sont prêts à accomplir.

En n’opérant pas un retour général offensif, il a sauvé Kameke et lui a permis d’attendre des secours. Ils arrivent de tous les côtés. Jusqu’à cette heure, Frossard n’avait devant lui que 12 000 hommes. De ce moment, le nombre des ennemis ne va cesser successivement de s’accroître, et, à la fin de la journée, il atteindra 35 000 hommes, 130 canons. Parmi ces nouveaux arrivans ne se trouve aucun chef supérieur. Moltke, quoique son plan fondamental soit en péril, demeure au quartier général de Mayence et ne se porte pas sur Hombourg, où il eût assisté de plus près aux péripéties de la lutte. Le prince Frédéric-Charles, à Kaiserslautern, est instruit de l’engagement ; il s’avance à Hombourg, d’où il peut en peu de temps gagner le champ de bataille. Son premier mouvement a été d’y aller, mais on lui représente qu’il rencontrerait Steinmetz, son ennemi, et que du choc de ces deux pierres dures jailliraient des étincelles : il ne remue pas, refuse même à un de ses aides de camp l’autorisation de. chercher des nouvelles. Steinmetz ne se montre pas davantage. Ce sont les généraux de second ordre qui se précipitent, et leurs troupes se sont souvent ébranlées avant qu’ils ne partent eux-mêmes.

Gœben, du VIIe corps, survient le premier (3 heures) ; puis Constantin Alvensleben, commandant du IIIe corps, le meilleur, le plus solide de l’armée prussienne ; puis Zastrow. Cette rencontre de plusieurs généraux sur le champ de bataille n’engendre ni confusion ni conflit. Kameke cède le commandement à Gœben ; Gœben le passe à Alvensleben. Celui-ci aurait dû le transmettre à Zastrow, le plus ancien, mais ce sont les troupes d’Alvensleben qui vont agir. Il a déjà engagé l’action ; Zastrow, qui ne peut fournir que son artillerie, a l’abnégation de ne pas