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plaine fertile d’une partie des bras dont elle aurait besoin. Le remède, ici comme ailleurs, consisterait dans une meilleure distribution des terres.

Nous nous sommes étendu quelque peu sur la situation hongroise, parce qu’elle démontre les inconvéniens qu’il y a pour une nation à être, d’une façon permanente, débitrice de l’étranger. L’obligation de verser chaque année des centaines de millions à des créanciers qui ne les dépensent pas dans le pays est une source d’appauvrissement. C’est un des points sur lesquels l’attention des hommes d’Etat doit se fixer, de façon à discerner les moyens de corriger cet inconvénient : l’un des meilleurs consiste à favoriser le développement de la production indigène, surtout de la production agricole. Ce n’est pas par la protection douanière qu’on y réussira, mais par une judicieuse répartition du sol. C’est pourquoi nous voyons la Russie, transformant le régime de la propriété foncière paysanne, substituer les exploitations individuelles au mir collectif, et l’Angleterre encourager de toutes les manières, chez elle, en Ecosse, en Irlande, au prix de sacrifices financiers considérables, la constitution de petites propriétés. Un lien étroit unit la question des récoltes à celle de la richesse nationale : la production agricole n’a besoin d’aucun secours extérieur, sauf quand elle importe des engrais ou que, faute d’un nombre de bras suffisant, elle réclame le concours de la main-d’œuvre étrangère, par exemple à l’époque des moissons ; mais c’est de la terre elle-même qu’elle fait jaillir la fortune. L’industrie au contraire demande souvent au dehors une partie de son combustible et des matières premières qu’elle transforme : elle ne réalise en ce cas de bénéfice que sur la différence de valeur entre le produit brut et l’objet fabriquée

D’une façon générale, l’agriculture demeure le fondement de la prospérité. C’est d’elle que les Etats-Unis et la France tirent le meilleur de leur force économique. La Russie dépend de ses récoltes : lorsqu’elles sont bonnes et permettent une exportation abondante de céréales, l’activité est générale, l’or étranger afflue dans ses caisses, les banques se développent ; l’industrie, indigène trouve de larges débouchés pour ses produits que les paysans achètent en masse. L’évolution du monde moderne ne dément pas la théorie des physiocrates : c’est toujours la terre qui est la véritable source de la richesse.