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Le rapprochement des statistiques française et américaine fait comprendre pourquoi celle des deux nations dont la richesse est la moindre, a une puissance financière plus grande, tout au moins au point de vue international : elle a plus de disponibilités que les Etats-Unis, notamment sous forme de ces valeurs étrangères qui constituent, avec le numéraire, le capital mobile par excellence. Il convient en effet, lorsqu’on cherche à supputer la fortune publique, non pas seulement au point de vue statique, mais au point de vue dynamique, de considérer la facilité plus ou moins grande avec laquelle les élémens de la richesse peuvent être maniés par leurs propriétaires. Or les rentes, actions et obligations étrangères possédées par les habitans d’un pays leur permettent à tout moment de faire rentrer du numéraire en opérant des ventes sur les marchés du dehors. L’exemple de la guerre de 1870 a été maintes fois cité : pour payer à la Prusse l’indemnité de o milliards, la France a réalisé à Londres, à Berlin, à Rome et sur d’autres places, des quantités considérables de valeurs qu’elle avait acquises au cours des années prospères du second Empire. Les 38 milliards de titres étrangers qui figurent aujourd’hui dans notre inventaire national et dont la plupart sont négociables en dehors de notre territoire, sont une ressource précieuse, très différente, au point de vue qui nous occupe, des valeurs indigènes, qui n’ont en général de marché qu’à l’intérieur des frontières. En cas de crise, la vente de ces valeurs ne correspond qu’à un échange entre Français, qui peut déplacer le capital disponible, mais qui n’en augmente pas la quantité : il en est autrement lorsque l’aliénation s’opère sur des places étrangères[1].

Une comparaison de la fortune française avec la fortune allemande nous amène à des conclusions identiques. De grands écarts se sont manifestés entre les évaluations de cette dernière.

  1. Remarquons à ce sujet, qu’il n’est pas indifférent, lorsqu’on admet une valeur étrangère à la cote, de s’assurer qu’elle se négocie dans le pays d’origine et qu’elle y est l’objet d’un marché régulier. Lorsqu’en effet la totalité ou la grande majorité des titres d’une société, ou même d’un fonds d’État étranger, sont entre les mains d’indigènes, de Français par exemple, ces titres, au point de vue des disponibilités de la France, ne jouent plus le même rôle que les autres élémens du portefeuille étranger de nos capitalistes. Les revenus de l’entreprise ou les coupons payés par le débiteur augmentent bien nos ressources annuelles, mais l’absence d’un marché autre que le nôtre fait que nous ne pourrions pas, le cas échéant, écouler rapidement ces titres au dehors et nous créer ainsi des ressources venant s’ajouter à celles qui existent sur notre territoire.