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trois régimens. Par mesure de prudence, il ordonne à la seconde brigade, la brigade de Woyna, de franchir à son tour la Sarre, et il la dirige tout entière vers Stiring par le pont du chemin de fer. Il est midi. Frossard s’était mis en communication avec Bazaine dès que Kameke avait commencé ses attaques. Il avait envoyé coup sur coup trois dépêches : la 1re à 9 h. 10, disant qu’il entendait le canon vers Merlebach et s’y portait et demandant que Montaudon lui envoyât une brigade et que Decaen marchât en avant. — La deuxième (10 h. 20) précisait : « L’ennemi fait descendre de Sarrebrück de fortes reconnaissances, mais n’attaque pas. » La troisième est plus affirmative : « On me prévient que l’ennemi se présente à Rosbrück et Merlebach, c’est-à-dire derrière moi (10 h. 50). »

Frossard, d’après ces dépêches, n’avait devant lui que des reconnaissances, et l’agression imminente allait se dessiner par Merlebach et Rosbrück, c’est-à-dire contre Bazaine plus que contre lui, puisque cette agression menaçait le gros de l’armée, et non son avant-garde. À cette heure, Bazaine n’avait donc pas à se préoccuper de Frossard, très suffisamment gardé par ses trois divisions, il devait s’occuper de se protéger lui-même. Et c’est dans cette visée qu’il prend toutes ses mesures. Il attire du côté que Frossard suppose menacé le général Castagny ; il lui envoie l’ordre d’appuyer à la gauche de Puttelange, de se porter sur Farschwiller, d’y laisser une brigade, de continuer avec le reste de ses troupes en avant de Theding, à l’Ouest de la position de Cadenbronn, en se reliant sur sa gauche avec Metman, et sur sa droite avec Frossard. Il communique à Frossard ces instructions et l’invite à coopérer à l’effort commun contre le mouvement tournant que celui-ci lui a annoncé. Il ne croit pas devoir envoyer un secours qu’on ne lui demande pas et qui ne semble pas nécessaire ; c’est lui qui en réclame un. Il ne remue pas Decaen parce que l’ennemi peut se présenter par Creuzwald ; il n’appelle pas non plus Ladmirault parce qu’on peut être assailli par Boulay ; mais il prévoit le cas où, malgré la concentration qu’il opère en hâte vers Merlebach et Rtosbrück, l’attaque sera trop sérieuse pour être arrêtée : dans ce cas, on se concentrera sur la position de Cadenbronn.

Certainement, voilà des résolutions promptes, intelligentes, de véritables actes de commandement d’un chef qui sait bien son métier. L’événement les rendit inutiles. L’attaque ne vint