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tout en imprimant au système une impulsion que la faiblesse des moyens présens ne permettrait pas de soutenir.

Au demeurant, qu’on approuve ou non nos conclusions, il faut se mettre bien en face de la situation. Si l’on n’y met ordre, la transformation de ce pays peut aboutir à la dépossession d’une partie considérable des autochtones, la plus stable, la plus honnête et la plus paisible, par des individus de leur race qui ne sont certes ni les plus méritans ni les plus capables de collaborer avec nous à l’amélioration de la vie économique. Les petits propriétaires indigènes peuvent être peu à peu réduits au rang des salariés de la ville et des campagnes, et alors les divergences qui nous séparent du peuple musulman s’approfondiront de toute leur rancœur, à voir que notre domination n’aura largement profité qu’aux pires d’entre eux.

Nous ne pouvons accepter une pareille évolution comme fatale : la possibilité de modifier les conditions naturelles, de porter remède aux maux, est le postulat de toute politique et même de toute action. Il faut agir, et tôt : l’administration de l’Algérie, qui a tant fait pour les indigènes en ces derniers temps, se doit à cette tâche indispensable ; notre intérêt, nos sentimens et notre honneur s’unissent pour l’y convier.


RAYMOND AYNARD.