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serait pourtant indispensable pour atteindre pleinement l’objet poursuivi, c’est-à-dire d’amener les premiers bénéficiaires à se suffire à eux-mêmes, après avoir grossi leur capital et affermi leur crédit avec le secours temporaire des deniers publics, et, d’autre part, faire profiter successivement le plus grand nombre possible d’agriculteurs des moyens disponibles pour cette initiation.

Déjà quelques associations sont entrées bravement dans la voie qui seule est la vraie, celle de la responsabilité solidaire et illimitée des membres de la caisse régionale pour les engagemens qu’elle souscrit. Il y a beaucoup à espérer de ce côté : l’esprit du colon est bien différent à cet égard de celui de notre paysan ; l’Algérien plus aventureux, plus novateur, plus ouvert de caractère, sent mieux l’utilité de l’emprunt et de l’entr’aide, la nécessité de se munir réciproquement contre le mal d’argent, contre la froideur du capitaliste et l’astuce des mauvais payeurs.

C’est surtout parmi les musulmans que pareilles ententes seraient indispensables pour assurer à l’agriculture les ressources dont elle est privée. Nous tenons à honneur d’avoir créé, sous la direction de M. Jonnart, les premières caisses régionales composées d’indigènes. Auparavant, quelques établissemens européens de crédit agricole, notamment à Constantine, avaient ouvert leurs portes à bon nombre de propriétaires arabes : on ne saurait trop louer et encourager ces initiatives, mais les dispositions des colons ne sont pas partout aussi libérales, et, dans beaucoup d’endroits, la méfiance ou la timidité des indigènes les tiennent à l’écart de ces associations où ils se sentiraient trop dominés par leurs voisins européens. En outre, il est intéressant de former parmi cet élément arriéré un certain nombre d’hommes à la gestion responsable des intérêts agricoles du groupe dont ils font partie ; en même temps, il faut veiller étroitement à ce que leur action ne tourne pas, comme il est trop ordinaire dans les milieux musulmans, à l’exploitation du plus grand nombre et, comme l’administration est particulièrement à même d’exercer ce contrôle moral sur les mutualistes indigènes, il vaut mieux, pour ce faire, les constituer en autonomie hors des caisses régionales d’Européens.

Dans cette expérience, les obstacles qui se sont rencontrés