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la société de prévoyance agricole, et bien peu sauraient établir aucune distinction entre ces versemens divers. Dans les communes de plein exercice au contraire, administrées par des municipalités élues, les indigènes éveillés à notre contact se montrent parfois trop bons adeptes d’une certaine école démocratique en retirant leurs adhésions aussitôt après les avoir données, en refusant d’acquitter les versemens promis, et en réclamant le concours de la société de prévoyance après lui avoir refusé le leur. Aussi cette organisation ne fait-elle que végéter là où le système électif livre l’indigène à lui-même, à son esprit d’opposition, de versatilité et d’intrigue.

Il faut l’ascendant qui appartient dans les communes mixtes au représentant du pouvoir et à ses auxiliaires indigènes pour vaincre dans les débuts l’inertie de la masse et le mauvais vouloir de quelques-uns ; une fois le branle donné, la machine fonctionne à souhait ; l’indigène le plus malintentionné ou le plus borné comprend l’intérêt de donner chaque année trois à cinq francs pour pouvoir en emprunter dix fois davantage. On peut même dire que l’administration locale, en voulant acclimater plus vite l’idée de la mutualité, a trop multiplié l’usage des petits prêts. Par embarras de choisir entre les requêtes trop nombreuses des sociétaires, entre les nécessités trop réelles auxquelles il faut parer, par crainte aussi de favoriser les exactions des chefs de douar ou de fraction qui ne recommandent guère sans motif intéressé les demandes d’emprunt de leurs coreligionnaires, beaucoup d’administrateurs en arrivent à répartir également, machinalement, chaque année, entre tous les adhérens de la Société, riches ou pauvres, pressés ou non de besoins, le contenu presque entier de la caisse. De là beaucoup de menus gaspillages de la part des indigènes qui ne sauraient en général résister au chatouillement de quelques douros impatiens de s’échapper de leurs doigts : de là aussi la tentation pour le pauvre diable de suivre l’usurier qui l’attend au sortir de la distribution, offrant de compléter la somme que la Société n’a pu lui avancer en totalité. Assurément on peut admettre que tous les petits propriétaires musulmans ont besoin de crédit : trop de charges les empêchent d’épargner, même pour l’indispensable, pour semer et subsister jusqu’à la récolte nouvelle ; seulement, comme il n’est pas possible de satisfaire à toutes les demandes, étant donné l’insuffisance des ressources actuelles.