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voie ferrée. La réserve d’artillerie, la réserve du génie, la cavalerie suivraient par étapes.

Ces mouvemens, sur lesquels Bazaine n’avait pas été consulté et qui émanaient de l’initiative propre de l’état-major général, étaient en pleine exécution lorsque Bazaine, investi du commandement en chef des 2e, 3e et 4e corps, prit possession de ce commandement le 5 août à une heure.

La nouvelle disposition laissait Frossard en flèche au sommet d’un triangle dont les deux côtés découverts pouvaient être forcés. Informé que la Ire armée prussienne (VIIe et VIIIe corps) était à quelques kilomètres de Sarrebrück, ainsi que la division de cavalerie Rheinbaben du IIIe corps de la IIe armée, il demanda le 5 au matin, à 7 h. 15, l’autorisation de replier son front en arrière, de quitter les hauteurs Sud de Sarrebrück, de s’établir sur les plateaux de Forbach à Sarreguemines, et d’occuper en même temps Forbach. On le laissa libre de disposer ses divisions comme il l’entendrait, mais à la condition de les concentrer autour de lui, de manière à reculer son quartier général à Saint-Avold dès qu’on le lui ordonnerait.

Ces instructions étaient fort significatives. Quelque faible opinion qu’on ait de notre état-major général, il n’est pas permis de le supposer assez ignare pour n’avoir pas compris qu’en retirant Frossard des hauteurs de la rive gauche de la Sarre, en le reportant à Forbach et en livrant ainsi à l’ennemi le passage de la rivière, on renonçait à la fois à agir offensivement sur la rive droite et défensivement sur la rive gauche. L’ordre impliquait qu’il ne défendrait pas le passage de la Sarre : dès lors, il était élémentaire de détruire les ponts avant de se retirer. On ne le lui ordonne pas. Il est vrai que c’est une de ces prescriptions superflues, tant elle est dans la nature des choses. Il appartenait à Frossard d’en prendre l’initiative : il n’en fit rien. Averti le même soir que les mouvemens de concentration des Allemands vers Sarrebrück s’accentuaient, il crut imprudent de différer jusqu’au lendemain la retraite à laquelle il avait été autorisé. Il l’exécuta d’urgence dans la soirée du 5, sans être arrêté par la fatigue que les marches de nuit infligent aux troupes. Il partagea ses forces en trois, porta la division Laveaucoupet sur le plateau de Spicheren, où se trouvait déjà la brigade Doëns. Il établit la division Vergé dans la vallée de Stiring, la division Bataille, sur le plateau d’Œting, comme une