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ils se prononçaient toujours dans le même sens. Il y a eu là pour nous une surprise. Eh quoi ! les ouvriers anglais, en dépit de la misère dont ils étaient menacés et des souffrances que leurs familles commençaient déjà à éprouver, votaient pour la prolongation des hostilités ! Qu’allait-il arriver ? Quelle serait l’attitude des meneurs ? Quel parti prendrait la Fédération ouvrière à laquelle la question a été soumise par le comité exécutif ? Heureusement, on s’est rappelé que, d’après les statuts de la Fédération, une grève ne devait avoir lieu que si elle avait obtenu l’adhésion des deux tiers des votans : il était très raisonnable, bien que rien n’eût été prévu à ce sujet, de soutenir que la continuation de la grève devait être votée aussi par une majorité des deux tiers. Cette majorité n’ayant pas été atteinte, la grève devait cesser. La Fédération ouvrière s’est prononcée dans ce sens et même, dit-on, à une grande majorité. Fort de cette décision, le comité exécutif en a imposé le respect à tout le monde, en invoquant l’intérêt suprême qu’il y avait à rester unis. C’est, en effet, l’union des ouvriers qui a fait leur puissance : le jour où ils se diviseraient, ils la perdraient, Or, dès le lendemain du vote du bill, la situation n’a plus été intacte ; sur plusieurs points du territoire, les ouvriers n’ont pas attendu davantage pour descendre dans la mine ; plus de 60 000 se sont empressés de reprendre le travail. On a vu, à la vérité, le contraire se produire dans d’autres régions, par exemple dans le pays de Galles où, bien que la majorité des ouvriers se fût prononcée pour la cessation de la grève, pas un seul d’entre eux n’a repris le travail avant d’en avoir reçu le mot d’ordre. Il y a eu là un bel exemple de discipline, mais il n’a pas été suivi partout, comme nous venons de le voir. Il est d’ailleurs probable que les réserves financières des ouvriers, si elles n’étaient pas taries, étaient déjà considérablement entamées. Combien de millions ont-ils été dépensés ? Nous ne saurions le dire au juste ; les journaux ont donné des chiffres différens ; mais la caisse commençait certainement à s’épuiser et il y avait danger à la vider tout entière ; on se serait privé pour l’avenir d’un instrument d’action que la Fédération tenait à conserver efficace et menaçant. Elle entendait que les craintes des propriétaires de mines ne fussent pas tout à fait dissipées et assurément elles ne le sont pas. Les ouvriers restent mécontens et frémissans : c’est ce que voulait la Fédération. La majorité d’entre eux s’étant prononcée pour la grève, ils la reprendront tous quand on voudra. Ainsi préparée, disposée, ordonnée, la situation est excellente pour peser sur les décisions des comités de dis-