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Oh ! sans doute leur maîtrise est douce, un peu cachée ; mais il faut plaindre ceux qui n’en sauraient pas reconnaître, goûter la secrète et presque silencieuse douceur, douceur mystérieuse aussi, douceur mystique, et que deux notes, pas une de plus, peuvent suffire à répandre autour de nous, en nous. Sur le nom, trois fois redit, de François, la Pauvreté ne pose en effet que deux notes, mais si graves, si faibles, si tristes ! Et quelles plaintives harmonies, quelles pâles sonorités viennent les éteindre et comme les exténuer encore ! Oui, deux notes, sur deux syllabes, et, dans l’appel d’un nom, c’est la vocation d’une âme. Le discours de la Pauvreté, qui vient ensuite, est admirable de détresse. Lent, très lent à dessein, à travers un chromatisme déchirant, parmi des syncopes haletantes, des soupirs et des sanglots, il se traîne, il s’abaisse, toujours plus humble, jusqu’à la chute finale sur les sons les plus bas, les plus sombres de la voix. « Dispetta ed oscura, méprisée et obscure, » la voilà bien, telle que l’a vue Dante, la veuve de Jésus, la fiancée de François. Tout ici, jusqu’au mode, jusqu’aux intonations, tout nous donne l’impression du dépouillement et de la nudité. Par une de ces étranges contradictions, que la musique a le secret de résoudre, les harmonies sont riches et le sentiment est celui de la misère. La douleur est intense, quelquefois assez près d’être atroce, et cela sans jamais rien perdre d’une sainte et quasi divine majesté.

Mais le chef-d’œuvre de l’œuvre, dans le même esprit toujours, esprit de finesse, encore plus fin s’il est possible, et plus pur, nous paraît être l’entretien du saint et de la sainte. A l’écouter, à le lire, à le relire encore, on ne se souvient pas seulement d’un François et d’une Claire, mais d’un Benoît et d’une Scolastique, d’un Giovanni Colombini et d’une Paola Foresia. On croit revoir, avec Assise et Saint Damien, Subiaco, Santa Bouda, retraites charmantes ou sauvages, consacrées par ces pieux rendez-vous et ces visitations mystiques, dont une page de M. Pierné restera pour nous désormais l’évocation sonore. La scène était délicate à traiter : il y fallait de la poésie, de la sensibilité et, sans aucun élan passionné, des accens d’émotion furtive. Rien n’y manque et rien n’y est de trop. Tout y est rendu, tout y est respecté, tout y attendrit. La grâce, la beauté, l’expression n’est que dans les lignes, celles de l’orchestre et celles de la voix : deux ou trois au plus, et qui ne font que s’effleurer ; parfois même une seule, mais dont la plus légère inflexion, le moindre détour prend alors une singulière valeur. Avec cela, cette musique déclame ou, — pour user d’un terme plus modeste et qui lui sied mieux. — elle