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POÉSIES

MÉDAILLES PAÏENNES


GENÈSE


A ton insu, poète, et presque malgré toi
Par le miracle obscur d’une magique loi,
Ta pensée en un rythme alerte se condense,
Et ton plus léger rêve ébauche une cadence.
Ecoute le ramage intérieur des vers,
Oiseaux subtils vêtus de plumages divers,
Dont le vol mollement capricieux alterne
Pour mettre un peu de claire ivresse en ton ciel terne,
Et qui, ravis parfois qu’on les puisse héberger,
Font un bruit lumineux d’abeilles au verger.
Demeure à leur musique ingénument crédule.
Ce que soupire l’un, ce que l’autre module
Evoque en ton esprit le gazouillis charmeur
Dont tu goûtes sans fin l’ineffable rumeur.
Pénètre-toi de leur harmonie inspirée.
Que, des roches où croit par touffes la spirée
Aux jardins d’où la rose émerge en bouquets frais :
Que, des bois par l’ardent midi criblés de traits
Aux vallons que veloute une herbe fine et tendre.
Le suave murmure ailé se laisse entendre,
Et communique aux cœurs divinement grisés
Les chants qui dans le tien se sont cristallisés.