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au gouvernement des pires ; et que c’était cela la République, et qu’elle ne pouvait être que cela. » « Dégoûté, il chercha des remèdes ; » il rêvait encore d’ « une République meilleure, » et, en un mot, il pensait « qu’on peut améliorer la peste. » Un moment partisan du scrutin de liste et de la représentation proportionnelle, il ne tarda pas à y voir des palliatifs trop insuffisans. Cependant, républicain obstiné, il continuait (1904) à écarter, en vertu d’objections de fait, la solution royaliste, et il se ralliait à la théorie plébiscitaire, préconisée par Paul Déroulède ; mais il « ne s’y entêta point, » car « il reconnut assez vite quel risque terrible ce serait. »


Ainsi, — nous déclare M. Jules Lemaître, — ainsi tombaient mes erreurs l’une après l’autre ; ainsi, j’arrivais, peu à peu, à concevoir toute la vérité. Un organe des intérêts généraux et nationaux, oui, cela est nécessaire : mais cet organe ne vaut que s’il dure. Il ne vaut que par l’hérédité. Un consul, cela est dangereux et précaire. Ce qu’il faut, c’est la coïncidence permanente de l’intérêt personnel du chef avec l’intérêt de la nation ; c’est la continuité du pouvoir central, qui permet les longs et patiens desseins et peut seule supporter de largos libertés, municipales, provinciales, corporatives. Bref, ce qu’il faut, c’est le Roi[1].


Que cette conception, dans les écrits de ses nouveaux théoriciens soit claire, harmonieuse, rationnelle, et même « scientifique, » — encore que la science nait rien à voir en pareille matière, — c’est ce que l’on accorde très volontiers. Je crois d’ailleurs que la conception contraire, la thèse républicaine et démocratique, si elle était adoptée, repensée et exposée par les mêmes esprits, aurait exactement les mêmes caractères. Ce n’est pas la clarté logique qui juge une théorie politique ; ce sont les réalités auxquelles on l’applique. Or, de ce point de vue tout positif et pratique, M. Le maître a fait jadis à la théorie royaliste des objections qui me semblent toujours très fortes, et auxquelles ni lui, ni ses amis ne nie paraissent avoir véritablement répondu. « Si la monarchie, écrivait-il, par exemple, en 190i, u eu celle force et cette bienfaisance ; si elle a été à ce point raisonnable, juste, naturelle, nécessaire ; si elle a en ce caractère d’être exactement adaptée aux exigences de la réalité, aux besoins et aux intérêts de la communauté française, comment expliquer qu’elle ait cessé de vivre, et qu’elle ait même

  1. Discours royalistes, 1908-1911. Nouvelle librairie nationale, passim, et p. 25 — Cf. Lettres à mon ami, et Théories et Impressions, passim.