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pluie d’après-dînée. Avant-hier soir, après une journée trop radieuse, le ciel s’ennuagea, vers le couchant. Un fin brouillard mouilla les premiers voiles de la nuit ; hier matin, au réveil, il pleuvait bel et bien… À deux heures, toute la nouvelle couvée (sauf Pierre et Simone) pépiait dans la Bibliothèque d’Ambleuse.

Vous n’attendez pas de moi, chère nièce, que je vous conte par le détail cette joute mémorable. Vous imaginez aisément qu’elle fut disputée parmi la gaîté la plus remuante, mais non sans âpreté ; que les jeunes filles ne surent pas toujours maîtriser leurs nerfs ; que votre oncle s’attira plusieurs répliques acides, notamment de la part de Mlle Cécile Bernier, laquelle eut, un instant, des larmes de dépit au bord de ses vifs yeux d’ambre ; mais qu’au demeurant, une franche cordialité régna et qu’on se sépara bons amis. Jeune mère, soucieuse de bien élever vos enfans, ce qui vous intéresse, c’est les questions posées.


Je m’attaquai d’abord à la culture ancienne, grecque et latine. Sam Footner, Guy Demonville et Noël Laterrade, mis au pied du mur, auraient volontiers renoncé à la lutte, sans la présence des jeunes filles, qui ranimait leur émulation. Hélas ! cette partie de l’examen fut lamentable. Aucun des concurrens ne sut correctement traduire en grec la phrase suivante, pourtant innocente : « Si j’étais libre, j’irais à Athènes. »

Seul, Noël Laterrade (grâce à l’entraînement que je lui fais subir depuis quelque temps) se rappelait l’adjectif éleuthéros. Mais, à construire la phrase, nul ne parvint.

L’examen de latinité proposa comme traduction à livre ouvert la onzième ode d’Horace (Livre premier), l’une des plus faciles :

Tu ne quæsieris, scire nefas, quem mihi, quem tibi
Finem Di dederint, Leuconoe ; nec Babylonios
Tentaris numeros

Protestations des concurrens. Ils réclament le droit d’user d’un gros dictionnaire. Je leur réponds que savoir une langue, c’est, avant tout, en connaître le vocabulaire : l’inconvénient de donner des dictionnaires aux élèves, durant une composition, c’est que justement le maître ne saura jamais quel élève a cherché