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Les Allemands avaient perdu 489 officiers, deux généraux, Quinze colonels, 10 500 hommes. Ils en avaient mis en ligne 81 277.


X

Wœrth, nom à jamais lamentable, date funeste dans notre histoire militaire ! Même après Waterloo, dont on attribuait le désastre à l’inintelligence d’un des lieutenans de Napoléon, le renom de notre armée était demeuré intact, et depuis nos expéditions heureuses et les belles campagnes de Crimée et d’Italie, l’invincibilité de l’armée française paraissait une conviction internationale. 1 cette nouvelle : l’armée française a été vaincue, il y eut en Europe une véritable stupeur.

On a beaucoup recherché quelle a été la cause de cet effondrement inattendu. Est-elle dans les erreurs tactiques de Mac Mahon ? « Il n’est pas inutile de refaire, après l’événement, les plans de campagne et de comparer ce qui a été fait avec ce qui aurait pu être fait, afin d’inspirer de meilleures combinaisons dans les guerres futures. On instruit peut-être mieux en rappelant des fautes qu’en racontant des succès[1]. » Il serait toutefois injuste de ne pas se rappeler, dans les jugemens portés sur les chefs d’armée, qu’un grand nombre de circonstances, éclaircies lorsque nous jugeons, étaient ignorées de ceux qui agissaient.

Aussi je ne me rangerai point parmi les tacticiens de l’écritoire qui, commodément assis devant une table sur laquelle sont étalées des cartes, connaissant au juste la position des moindres fractions combattantes, discutent, ergotent, prononcent ex cathedra et tranchent sur la conduite des héros, qui, au milieu du crépitement des balles, du sifflement des obus, ne sachant pas où sont les ennemis, ni même leurs propres troupes, sont obligés de prendre en un instant des partis d’où dépendent leur honneur, celui de leur pays, le salut ou la perte de milliers d’hommes. Je m’incline avec respect devant eux et je ne me permets pas de les condamner, de les poursuivre de mes vilaines sentences d’incapacité ou de négligence. Quand un général en chef, aussi versé que Mac Mahon dans l’expérience de la guerre,

  1. Marmont.