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ne fût pas réglée contre elle ou sans elle ; c’est d’abord dans le dessein de la régler qu’elle s’est entendue avec nous, à la condition que nous nous entendrions avec l’Espagne. Depuis lors, chaque difficulté européenne a fait l’objet, dans l’esprit le plus amical, d’un examen entre les Cabinets de Londres et de Paris, mais il n’existe entre les deux Etats aucun engagement général : qui dit amitié ne dit pas alliance. Interrogé à la Chambre des Communes, le 6 décembre, à propos des traités secrets, M. Asquith a répondu : « qu’il n’existe aucun traité secret avec la France en dehors de ceux qui ont été publiés, qu’il n’existe aucun accord secret qui mette l’Angleterre dans l’obligation de prêter assistance, sur terre ou sur mer, à une autre puissance. » Ainsi, dans chaque circonstance nouvelle, les deux gouvernemens, sans qu’aucun texte écrit les y oblige, se communiquent leurs points de vue et, si leurs intérêts sont conformes, recherchent les conditions de leur coopération. En politique, la permanence et l’importance des intérêts communs sont la mesure de la durée et de l’efficacité des ententes.

Ni l’Angleterre, ni non plus la France, n’ont l’intention, vis-à-vis de l’Allemagne, de jouer le rôle « du chien dans la mangeoire. » Mais encore faut-il que l’appétit du « cheval » qui mange ne soit pas démesuré. On voit se dessiner, en Allemagne, une théorie des droits de la force en matière d’expansion économique et coloniale qui, si le gouvernement la prenait pour règle, serait un danger pour la tranquillité de toutes les nations. Dans le fait que l’Allemagne a une pléthore de produits fabriqués à vendre, de grandes usines à alimenter en matières premières, un trop-plein d’émigrans à placer, certains publicistes allemands, vulgarisant les idées de quelques philosophes ou économistes, voient l’origine d’un droit, pour leur pays, à occuper de nouvelles terres, à ouvrir de nouveaux débouchés ; c’est la théorie du droit à l’expropriation des races incompétentes. Il y a des « surnations » comme il y a des « surhommes. » Ce n’est assurément pas en ce sens qu’il faut interpréter certains passages du discours de M. de Bethmann-Hollweg (5 décembre) : « Les autres nations doivent tenir compte des progrès de l’Allemagne. On ne peut arrêter ces progrès... Au fond des discussions passionnées qui existent dans bien des milieux allemands, on doit apercevoir le désir de l’Allemagne de faire son chemin dans le monde ; » mais les