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VIII

On l’a très bien dit, à la Chambre et au Sénat, le traité du 4 novembre vaut ce que, de part et d’autre, on le fera. S’il doit marquer le désistement complet et définitif de l’Allemagne dans la question marocaine, s’il nous donne vraiment toute liberté d’organiser un Maroc français où nous ne rencontrerons nos rivaux que dans la concurrence pacifique de l’industrie et du commerce, il nous apporte un avantage dont personne moins que nous ne contestera la valeur : en dix ans, nous aurions résolu la question marocaine et réalisé l’unité de l’Empire français de l’Afrique du Nord. Ce n’est pas sous cet angle que, pour conclure ces pages où nous avons voulu étudier, à propos de nos relations avec l’Allemagne, l’application et la valeur d’une méthode de politique extérieure, nous voudrions examiner le traité. Nul ne peut mesurer encore les difficultés que nous aurons à vaincre au Maroc, ni ce qu’il nous coûtera en hommes et en argent, mais il est acquis, d’ores et déjà, que ce Maroc qui nous échoit, incomplet, découronné de ses côtes septentrionales et grevé de lourdes hypothèques, nous l’avons payé trop cher. Entendons-nous bien : non pas trop cher pour ce qu’il vaut, mais trop cher en comparaison de ce qu’il aurait pu nous coûter en d’autres circonstances et avec une politique mieux dirigée. Nous avons subi huit années de crises, de secousses, d’alarmes, et nous voici revenus au point même par où nous aurions dû commencer si nous étions résolus à adopter cette méthode, d’ailleurs discutable, de libérer le Maroc en achetant par des compensations ou des échanges le désistement des puissances qui, de près ou de loin, pouvaient y faire obstacle à nos desseins. Nous payons le Maroc à l’Allemagne. Nous le payons cher, au prix de territoires qui, si éloignés et si peu habitables qu’ils soient pour les blancs, n’en étaient pas moins des territoires français, achetés du sang et des peines de nos explorateurs, de nos officiers et de nos colons, des efforts de nos diplomates, et qui réalisaient cette unité, à la fois réelle et symbolique, de notre empire africain que nous avions poursuivie avec ténacité et succès de 1880 à 1898. Les deux antennes allemandes qui séparent désormais en trois tronçons l’Afrique équatoriale française figurent sur la carte un recul de la France.