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des esprits en France et la portée de l’acte de M. Rouvier. Les conversations du prince Henckel de Donnersmarck, — celui-là même que nous avons vu en 1878 essayant d’entraîner Gambetta à une entrevue avec Bismarck, — le ton des journaux allemands, laissaient croire à M. Rouvier que c’étaient bien uniquement des griefs personnels contre le ministre des Affaires étrangères qui avaient déterminé l’attitude du gouvernement allemand, et que le Maroc, où il ne revendiquait que des intérêts économiques, n’avait été pour lui que « l’occasion d’une riposte nécessaire. » C’est le langage que tiendra, le 4 octobre, à M. André Tardieu, du Temps, le chancelier prince de Bülow, dans une interview dont il a lui-même revu les épreuves ; c’est le langage de l’Empereur en personne le 28 décembre. « Je ne veux pas la guerre, parce que je considérerais la guerre comme contraire à mon devoir devant Dieu et vis-à-vis de mon peuple. J’ai été agacé par certains procédés froissans de M. Delcassé, mais je rends pleinement hommage au tact et à la fermeté de M. Rouvier. » Il est difficile de comprendre comment, tout en tenant un pareil langage, les hommes d’Etat allemands nous ont suscité tant de difficultés et cherché tant de chicanes à propos du Maroc. Dès le 10 juin, le prince Radolin disait : « Il faut que vous sachiez que nous sommes derrière le Maroc avec l’ensemble de nos forces. » A Fez, le comte de Tattenbach se posait en défenseur du Sultan et en protecteur de l’indépendance du Maroc avec une telle ostentation et un zèle si outré qu’il lassait Abd-el-Aziz lui-même ; il se montrait si âpre dans son impatience à monnayer en avantages matériels les succès de la politique allemande, qu’il alarmait tous les intérêts. A Paris, M. Paul Révoil discutant avec le docteur Rosen les garanties sans lesquelles nous ne pouvions accepter d’aller à la Conférence, se heurtait à un esprit de défiance, à un mauvais vouloir, qui contrastaient avec le langage officiel du chancelier et de l’Empereur et qui, en fait, restaient inopérans puisque, en définitive, les accords du 8 juillet et du 28 septembre l1905 donnaient satisfaction à nos principales demandes, reconnaissaient l’ « intérêt spécial » résultant pour la France de sa longue frontière commune avec le Maroc et excluaient par avance, des délibérations de la Conférence, la région frontière algéro-marocaine. Faut-il, en présence de ces faits contradictoires, parler de la « duplicité » du gouvernement allemand ? Non, puisque