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LE TRAIN DE MAISON
DEPUIS SEPT SIÈCLES[1]

LES DOMESTIQUES


I

Deux faits, en apparence contradictoires, dominent l’histoire du service domestique : d’une part, la hiérarchie des classes semble avoir dû maintenir une barrière infranchissable entre ceux qui servaient et ceux qui étaient servis ; d’autre part, le service personnel était beaucoup plus estimé dans l’ancienne France aristocratique que dans la France démocratique d’aujourd’hui. Et c’est justement à mesure que le vieux moule social s’est transformé que le service personnel a décliné peu à peu, jusqu’à devenir le moins recherché de tous après avoir été le plus en honneur.

Il y a dans notre république beaucoup de « services » fort prisés, tant civils que militaires, mais ce sont des « services publics » et l’on voit bien que ces esclaves du Public, qui s’appellent des fonctionnaires, ne se croient pas trop asservis à leurs concitoyens. Au contraire, le « service privé, » c’est-à-dire la dépendance d’homme à homme, était la règle et le fond même de la société féodale. Ce service était tantôt corporel, intime et comme familial ; tantôt extérieur et pour ainsi dire fonctionnel, relatif aux biens et affaires du maître. Longtemps le service

  1. Voyez la Revue du 1er avril.