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la poudre du Culturkampf est mouillée. » Reichensperger, en ses pronostics, avait encore plus raison qu’il ne croyait : le chancelier, prévenu des doléances de Jacobini, expédiait à Reuss, dès le 20 avril, un message surexcité. Rome se disait mécontente ; lui aussi, il allait s’ériger en mécontent, et comme il ne savait trop, apparemment, quels griefs imputer à Rome, qui depuis deux mois lui faisait des avances, ce fut le Centre qu’il accusa. « J’étais préparé, écrivit-il, à l’accroc qui survient, je m’y attendais, vu l’attitude du Centre. Nous voyons dans cette attitude un éclaircissement pratique, une interprétation des instructions papales. » Il constatait que le Centre votait toujours avec les socialistes.


Quand, il y a un an, continuait-il, le parti catholique nous soutint dans la question douanière, je crus que les avances du Pape étaient sérieuses, et je trouvai dans cette confiance un encouragement pour les pourparlers. Mais, depuis lors, le parti catholique, qui professe publiquement être au service du Pape, attaque le gouvernement, au Landtag, sur tous les terrains. On dira qu’il y a là quelques chefs, qui vivent de la lutte, parce que la paix les rendrait superflus ! Mais tous les prêtres, mais tous les nobles riches, qui siègent au Centre ! Leur contenance ne peut s’expliquer que par l’influence des confesseurs sur les hommes, et plus encore sur les femmes. Un mot du Pape ou des évêques, fût-ce le plus discret avertissement, mettrait un terme à cette alliance contre nature, qui coalise avec les socialistes la noblesse et les prêtres.


Ici même, le 1er avril, Victor Cherbuliez avait prévu : « M. de Bismarck, dans ses négociations avec le Saint-Siège, haussera ou baissera le ton, selon que Windthorst et le parti du Centre montreront plus de souplesse. » La lettre bismarckienne du 20 avril justifiait cette prédiction : le réquisitoire contre le Centre en était le point capital. Bismarck répondait, d’ailleurs, aux diverses plaintes de Jacobini. Le cardinal avait dit : « Qu’adviendrait-il des pouvoirs discrétionnaires, si le gouvernement prussien changeait ? » Et Bismarck répondait : « Chacun garde son épée, pour maintenir au fourreau celle de l’autre. » Le cardinal avait questionné Reuss sur les contre-concessions de la Prusse ; et Bismarck, mentionnant les circulaires de Puttkamer, qui invitait policiers et magistrats à une grande tolérance, faisait honneur à la Prusse d’avoir déjà, elle, fait pratiquement un pas vers la paix. « Si l’on a cru, déclarait-il, que nous voulions non pas seulement déposer nos armes, mais les détruire par la voie de la législation, l’on nous