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amoindri la force de cohésion du nouvel Empire allemand, diminué la force de résistance de l’empire en cas de malheurs militaires, éveillé dans les populations non catholiques les tendances révolutionnaires et socialistes. Il a tout désorganisé, à l’exception de la seule chose qu’il devait désorganiser, l’opposition politique de nos concitoyens catholiques. » Mais alors, pourquoi reculer la paix ? Peu à peu, dans les cercles mêmes où le Culturkampf avait soulevé le plus d’enthousiasme, le désir de la paix s’éveillait et s’avouait. « J’y aspire passionnément, » écrivait à Bennigsen ce même comte Munster qui cinq ans plus tôt, à Londres, sous le frac brodé du diplomate, s’était fait le Pierre l’Ermite d’une croisade antiromaine.


II

Bismarck savait cette profonde lassitude ; il souhaitait, lui aussi, d’en finir avec le Culturkampf. Le Centre, dans l’été de 1879, venait de l’aider à construire une belle barrière de douanes ; Bismarck était content ; et comme les gens du Centre, les prêtres, les évêques et le Pape étaient à ses yeux solidaires les uns des autres, il se sentait d’humeur à faire plaisir au Pape. Il en prévenait, dans un long bavardage, le président même du Centre du Reichstag, Franckenstein. « Je me réjouis, lui disait-il, que vous vous soyez rapproché des conservateurs, et je me flatte d’y avoir contribué. » Puis il déroulait un aperçu de l’histoire du Culturkampf assez semblable à celui que dans ses Pensées et Souvenirs il devait tracer pour la postérité. « Je ne suis pas un Culturkaempfer de profession, » protestait-il. Tout d’une traite, il redisait son mécontentement de 1871 contre la formation du Centre, les déceptions qu’en 1872 lui avaient ménagées les conservateurs, la nécessité où ils l’avaient mis de s’appuyer sur les nationaux-libéraux ; il se passionnait, une fois de plus, contre les Polonais hostiles, et contre la haute noblesse de Prusse, qu’il disait jalouse de lui ; il répudiait toute responsabilité personnelle dans l’institution du mariage civil. Il parlait ensuite de la pacification religieuse. « De Rome, expliquait-il, on a proposé, comme base de pourparlers, l’abolition des lois de Mai, ou le rétablissement des paragraphes constitutionnels concernant la liberté des églises ; ce sont deux choses impossibles. » Le mieux, à son avis, c’était