Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/531

Cette page n’a pas encore été corrigée

STÉPHANIE. 527

L’automobile arrive pour emmener les visiteurs. Pauline ravit tout le monde. Elle embrasse les femmes et les filles comme si elle quittait, pour un voyage dangereux et long, des parentes adorées. Thérèse s’impatiente visiblement dans cette étreinte. Robert baise longuement les doigts de l’impertinente. Félix se contente d’une poignée de main significative, trop significative. On se promet des visites quotidiennes ou presque. Adieu. Ernest reclaque la portière. Nadine et Champagne aboient contre le moteur. Déjà Stéphanie s’est éclipsée, Félix demeurant là.

Mes invités partis, c’est une explosion de louanges. Thérèse veut apprendre toute la biographie de l’amiral. Elle me harcèle. Robert commente « l’ordre » qui préside à la toilette de la baronne ; et il s’embrouille en voulant décrire une similitude entre le rose apposé au revers du chapeau et le rose des jupons dépassant la robe. Félix, après avoir allumé sa pipe, annonce tout simplement qu’il ira, le sur lendemain, faire au pastel le portrait-charge de M""’ de Helgoët, comme elle l’en a prié. Robert rougit et pâlit successivement. Les cousines éclatent de rire et s’en vont sous la charmille, reprendre leurs sempiternelles confidences.

— Eh bien ! la sauvage, Thérèse, et toi, le terroriste, vous voyez, ... ai-je dit, ... que les réceptions ne sont pas si décevantes à la campagne !

— Quand on n’a rien à se mettre, c’est tout de même gênant, ... grommelle Thérèse.

— Pourquoi ne pas me laisser te conduire chez Paquin ?

— Je ne veux pas abuser, Emilie.

— Allons donc : il ne s’agissait pas d’un cadeau. Tu m’aurais remboursée à ton aise, voilà tout.

— Rodolphe n’entend pas que je vive aux crochets de son beau-frère. C’est déjà trop qu’Isabelle accepte de Juliette tant de choses. Enfin, ce sont des enfans et des amies très sincères.

— Il est heureux que tu n’en doutes pas !... ricane ma grosse Emilie.

Là-dessus j’ai dû quitter ces dames. Examiner la germination de mon orge-chevalier me semble opportun. Depuis que j’ai marié ces graines à mes terres les plus marneuses je me promets une paille magnifique, et des bénéfices chez les maquignons de la Seine. Ce sera de l’argent pour l’été. Donc en selle.