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arbitrer une solution et la faire agréer par les uns et par les autres. Mais les radicaux-socialistes ont été, comme toujours, intransigeans, ils ont voulu tout avoir. Que pouvait faire M. Poincaré ? Qui sait même, dans le cas où il aurait persisté dans son altitude première, si son ministère ne se serait pas disloqué ? M. Léon Bourgeois n’a-t-il pas dit dès le premier moment à la Chambre que, le jour où ses principes seraient en cause, il reprendrait sa liberté ? Il est fâcheux pour le gouvernement que la première question qu’il ait eu à traiter soit précisément celle qui divise le plus la Chambre et sur laquelle il est lui-même le plus divisé. Sera-t-il juste de ne pas tenir compte à M. Poincaré de toutes ces circonstances ? Il est bien obligé d’en tenir compte lui-même, car il n’est encore qu’au début de son œuvre, et nous souhaitons qu’il dure assez pour l’accomplir.


Nous n’avons pas parlé jusqu’à ce jour de la révolution chinoise parce qu’il était difficile, à la distance où nous en sommes, de se rendre compte des lois particulières auxquelles obéit son évolution ; mais on lira aujourd’hui, dans une autre partie de la Revue, un article sur la psychologie de cette révolution, c’est-à-dire sur les causes qui, après l’avoir préparée, l’ont rendue possible et en ont précipité le dénouement. Rien n’est plus extraordinaire, pour nous autres Occidentaux, ni plus imprévu que ce dénouement, à supposer que c’en soit un et qu’on doive le considérer comme définitif. Sans doute la monarchie mandchoue était depuis longtemps menacée de ruine et il fallait s’attendre à ce qu’elle éprouvât des convulsions qui la mettraient en danger ; mais qui aurait cru qu’elle sombrerait si vite, qu’elle proclamerait elle-même en termes pompeux sa déchéance et qu’elle serait enfin remplacée par la République ? Tout cela apparaît de loin quelque peu fabuleux : nous aurions de la peine à l’accepter comme vraisemblable si on nous le racontait dans un conte, et cependant c’est de l’histoire. Dans ce temps de surprises, celle-là dépasse toutes les autres.

Une fois le premier étonnement passé, on se demande ce qu’il y a à faire en présence du phénomène. Très sagement, les Puissances ont été d’avis de s’abstenir de toute intervention le plus longtemps possible et toujours même, si on le pouvait. Que nous importe que la Chine soit en monarchie ou en république, pourvu que nos droits et nos intérêts y soient respectés ? Ils l’ont été jusqu’à présent. On pouvait craindre que la révolution ne fût accompagnée d’une explosion de haine contre les étrangers : la haine existe peut-être, mais