Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/438

Cette page a été validée par deux contributeurs.
434
REVUE DES DEUX MONDES.

traitement pareil à celui de l’Alsace, elle devait se ranger sous la protection du Roi ; en même temps, un règlement éleva les droits qui frappaient les toiles mulhousiennes. La Révolution aggrava encore la situation. En détruisant les anciennes divisions provinciales, en portant jusqu’au Rhin la ligne de douane qui s’arrêtait auparavant à la Lorraine, elle enclava si bien Mulhouse, que, pour commercer avec la Suisse et l’Allemagne, Mulhouse devait passer par le territoire français. Plusieurs maisons tombèrent, entre autres celle de Jean-Henri Dollfus. La petite République dépêcha à Paris une députation composée de Josué Hofer, Nicolas Thierry, Hartmann-Kœchlin et Jacques Dollfus pour la défendre à l’Assemblée Nationale. Mais les autorités départementales du Haut-Rhin et les fabricans de l’intérieur émettaient des avis défavorables à tout arrangement et conseillaient d’affamer la ville, pour la contraindre de se donner au Roi. Cependant l’Assemblée consentit aux Mulhousiens un traité de commerce avantageux. La Législative devait ratifier ce traité, puisque l’Assemblée Nationale touchait à son terme. Les fabricans de l’intérieur, dans l’intervalle, redoublèrent les démarches, offrant cent mille francs au gouvernement pour dresser et entretenir des barrières autour de Mulhouse. La royauté s’écroula, le traité ne fut même pas discuté, et onze bureaux de douanes barrèrent les onze routes qui aboutissaient à Mulhouse. « Les denrées ne pénétraient plus que par contrebande la nuit et à des prix excessifs ; les foires, les marchés furent désertés. Le bois même ayant été refusé, les forêts communales durent être successivement abattues[1]. » En quelques années, la population diminua d’un sixième. Les négociations cependant recommençaient ; on obtenait des accommodemens ; par exemple, la ville était autorisée à acheter du blé, et alors Jean Dollfus, délégué de la Société d’approvisionnement, se rendait en Souabe pour acheter le blé et le transporter ; ou bien le Comité de Salut public tolérait pour une année, puis pour quinze mois, le transit pour les toiles brutes de l’extérieur et pour l’exportation des tissus façonnés, et permettait de tirer de France un peu de bois, de houille et de sel ; mais en même temps il laissait entendre qu’il ne regardait pas la République de Mulhouse comme faisant effectivement partie de la Confé-

  1. Histoire de la ville de Mulhouse, par Ch. de Lasablière, 1856.