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nous parle, nous invite à la prière et chante la gloire de Dieu, et c’est la plus belle façade de l’Italie.

Je cite cet exemple parce qu’il est essentiellement typique et bien fait pour éclairer la question fondamentale qui nous occupe. Si nous aimons Saint-Marc, nous comprendrons ce que les maîtres du XVIIe et du XVIIIe siècle ont voulu, et pourquoi ils ont abouti à des façades telles que celles du Latran, de Sainte-Marie Majeure, et surtout à celle de Sainte-Croix de Jérusalem qui, par les groupes de statues qui la terminent, nous montre le plus puissant effort de ces maîtres pour réaliser une façade d’église vraiment chrétienne.

Cette indépendance vis-à-vis du prétendu absolutisme de la loi constructive conduisit les architectes du XVIIe siècle à des recherches qui modifièrent profondément, non seulement la nature du décor, mais même les lignes essentielles de leurs édifices. A la ligne droite, à la ligne primitive de la construction, à la ligne la plus simple et la plus logique, ils substituèrent des lignes nouvelles, des formes courbes que rien ne motive, si l’on s’en tient au principe constructif, et dont la seule justification était de correspondre à des recherches d’idéale beauté. C’est dans cet emploi des lignes courbes que réside leur plus grande originalité : ils obtinrent par là leurs plus beaux triomphes en même temps qu’ils provoquèrent les plus acerbes critiques.

Certes avant le XVIIe siècle les formes courbes se rencontrent fréquemment. Nous les trouvons pour ainsi dire à toutes les époques et chez tous les peuples. Les Grecs, les Romains, les Asiatiques, les maîtres de l’art gothique et de la Renaissance les ont employées, mais jamais avant le XVIIe siècle on n’avait vraiment compris la beauté et l’importance de ces lignes, et l’admirable emploi que l’on en pouvait faire en architecture. Et ce fut une telle révolution que c’est sur ce point que les maîtres du XVIIe siècle furent le plus violemment combattus par les néo-classiques, qui leur reprochèrent cette nouveauté comme une de leurs plus grandes hérésies.

En nous plaçant au point de vue de cette école néo-classique, nous devons rechercher si le principe de limitation de la nature s’oppose à l’adoption de ces lignes. La nature ne nous dit-elle pas tout au contraire que la ligne courbe est sa ligne préférée, qu’elle est par excellence la forme essentielle et