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qu’ils vivent, les hommes n’ont pas cessé d’aimer ce qui brille, et de rechercher les objets les plus rares, les plus précieux pour s’en parer, pour parer la femme qu’ils aiment, pour orner leur demeure, les palais de leurs rois et surtout les autels de leurs dieux. Si l’amour de la richesse est une idée fausse et condamnable, il faut cependant reconnaître qu’il n’en est pas de plus séduisante aux yeux des hommes.

L’art romain que nous ne connaissons plus que dans sa ruine, dépouillé de tous ses ornemens, était un art des plus somptueux. Les Empereurs byzantins en augmentèrent encore le luxe et en transmirent les traditions au Moyen âge. Cette richesse fut continuée par la Renaissance. Les maîtres du XVIIIe siècle ne firent que poursuivre une glorieuse tradition en se passionnant pour la beauté des matériaux et l’éclat de l’ornementation, et une de leurs plus grandes gloires est dans cette richesse que parfois on leur reproche tant.

La puissance de la Cour pontificale et des grandes congrégations religieuses, la découverte des Indes et de l’Amérique, la possession de leur or et de leurs pierres précieuses, la recherche et l’exploitation de nouvelles carrières de marbre en Italie, tout contribua à fournir aux artistes du XVIIe siècle des richesses telles que, depuis les Romains, on n’en avait point vu de semblables en Europe. Lorsque les Jésuites mettaient sur un autel la statue d’argent de saint Ignace et le plus gros bloc de lapis-lazuli que l’on connaisse, ils pouvaient à bon droit se glorifier de la beauté qu’ils réalisaient et penser qu’ils étaient les descendans, non seulement des maîtres chrétiens du Moyen âge, mais des Grecs eux-mêmes, de Phidias qui avait sculpté une Minerve toute d’or, d’ivoire et d’argent.

Appliquant le principe de la simplicité à l’architecture, on fut conduit à considérer, comme règle fondamentale et pour ainsi dire unique de cet art, la loi constructive. Tout ce qui n’est pas motivé par les besoins de la construction, tout ce qui n’est pas la satisfaction d’une nécessité matérielle, apparaît comme une inutilité et par suite une erreur. Et pourtant, on peut faire remarquer que, dans les projets des architectes, ce n’est pas une recherche utilitaire qui intervient la première, et que, même avant d’établir les formes constructives, ils se préoccupent de quelques idées générales qui n’ont aucun rapport avec la construction, et qui s’imposent uniquement pour