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Ne semble-t-il pas au contraire que la nature recherche la complication, qu’elle part de choses simples (je veux dire relativement simples) pour s’élever de plus en plus vers des organismes plus variés : les êtres sont d’autant plus parfaits, d’autant plus beaux qu’ils sont plus compliqués. De la matière inerte à la plante, à l’animal, à l’homme, dans tout progrès de la vie, la nature, folle de richesse, ne peut évoluer sans s’éloigner de la simplicité, sans créer une complication nouvelle. Et, même lorsqu’elle est le plus simple, lorsqu’elle tisse le tapis de verdure qui va recouvrir la terre, elle le décore d’une broderie de fleurs, trouvant dans cette parure un de ses plus délicieux effets de beauté.

Ne sommes-nous donc pas autorisés, au nom même des exemples de la nature, à penser que l’architecture a le droit et le devoir de se compliquer, de s’enrichir pour devenir plus expressive et plus belle ? L’architecture ne semble-t-elle pas suivre le plus clair des préceptes de la nature en devenant brillante et complexe, en se couvrant de fleurs comme elle ?

Cependant lorsqu’un néo-classique voit une de ces églises du XVIIe siècle si merveilleusement décorées, sa première et sa principale critique consiste à dire que cette époque a confondu richesse avec beauté, et cet argument lui suffit. Il ne pensera pas que la richesse peut être, non pas sans doute toute la beauté, mais un élément de la beauté, il la tiendra pour contradictoire à cette idée : la simplicité en étant pour lui le caractère essentiel. Cette doctrine si particulière de l’école néo-classique a encore de nombreux partisans de nos jours ; sans trop raisonner, nous l’acceptons comme un axiome essentiel ; il n’est pas un Français qui, allant en Italie, ne dise que les églises italiennes sont trop riches en beaux marbres et en métaux précieux, qu’elles sont trop surchargées.

En France, nous avons une tendance à être hostiles à l’idée de richesse. Cela vient en partie de ce que nos églises ne ressemblent plus que de très loin à ce qu’elles étaient dans leur création première. Dépouillées de toute cette parure qui était une des grandes parties de leur beauté, dépouillées de leurs vitraux, de leurs peintures, des statues d’or et d’argent qui ornaient leurs autels, elles ont habitué nos yeux à la nudité, et nous rendent peu capables de comprendre le luxe des églises italiennes. Nous oublions que, partout, dans quelque pays et à quelque époque