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doctrine absolument nécessaire. Si la religion chrétienne peut se concevoir sous un aspect austère, sous des voiles de deuil et de pénitence, elle se conçoit aussi bien, elle se conçoit mieux encore, avec des habits de fête et des chants de triomphe. Après les tristesses de l’art de la Contre-Réforme, tristesses qui ne furent qu’un accident passager dans l’évolution de la pensée italienne, et dont il faut attribuer une part de responsabilité à des influences étrangères, l’Italie, au XVIIe siècle, reprit elle-même, dans sa volonté et son indépendance, la direction de ses destinées.

Ses arts vont redevenir plus brillans qu’ils n’avaient jamais été, et c’est à la tradition des grands maîtres de la Renaissance qu’ils vont se rattacher. Le XVIIe siècle, c’est la reprise de l’âge de Léon X : c’est avant tout la recherche de la beauté, mais avec plus d’amour encore de la richesse, de l’exubérance et des nouveautés créatrices. Age moins pur, où il y a moins de désirs de formes parfaites, mais qui est plus chrétien et plus large dans sa compréhension d’une vie pleine et heureuse.

Cet art a passionné toute l’Europe pendant plus d’un siècle. Après s’être créé à Rome, il se développa en France à la Cour de Louis XIV et de Louis XV, pour atteindre à son plus haut degré d’évolution en Espagne et dans le sud de l’Allemagne, dans les pays où les idées religieuses s’étaient maintenues avec plus de puissance qu’à la Cour de France. Il régna sans conteste jusqu’au jour où l’école néo-classique, par réaction contre les excès de son luxe et de sa complication, le combattit et le remplaça par un art sobre et sévère qui faisait réapparaître sur bien des points l’art même de la Contre-Réforme. L’art du XVIIe siècle tomba alors dans une défaveur qui persista pendant de longues années. C’est seulement sous le second Empire que l’on recommença à l’étudier et à l’aimer.

Mais, par une singulière anomalie, cette réhabilitation se borna aux maîtres de l’école française : on négligea d’étudier les maîtres italiens, ces maîtres qui avaient créé l’art que les Français n’avaient fait qu’imiter ; on continua à ne pas les connaître et à les mépriser. Nous avons aujourd’hui autant de blâme pour le Saint-Pierre du Bernin que nous avons d’éloges pour le Versailles de Louis XIV. La raison de cette inconséquence est que les études d’architecture au cours du XIXe siècle ont été particulièrement délaissées par la critique ; et l’indifférence