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reprises affronté les reproches fiévreux et irrités de l’Empereur et recouru pour les apaiser à l’influence de l’Impératrice. Il n’en restait pas moins convaincu que l’Autriche ne se prêterait pas à l’agrandissement du royaume sicilien, à moins d’y être contrainte. Et qui pouvait la contraindre, si ce n’est la Russie ?

« Le Roi, écrivait-il encore, peut espérer beaucoup plus de l’amitié moscovite que de celle de toute autre puissance, pour bien des raisons, entre autres pour celle-ci : l’agrandissement de son territoire ne donnera pas d’ombrage à la Russie, tandis qu’elle en prendrait pour celui d’une grande puissance orientale. »

Dans la même dépêche, il exposait qu’il fallait démontrer à la Russie l’état de dissolution dans lequel se trouvait l’Italie et la nécessité d’y créer la sécurité par un juste équilibre entre les Etats qui la composent. « Si la Russie veut garder son influence, elle ne peut pas permettre que toutes les choses dépendent d’une seule puissance, ni que celle-ci soit maîtresse absolue de l’Italie. Puisqu’elle ne peut rien prétendre pour elle-même, et afin que tout ne tombe pas au pouvoir d’un seul, elle doit désirer que le partage soit fait en faveur des autres. L’équilibre nécessaire, la seule monarchie napolitaine est à même de le former et de le soutenir. »

On voit par ces propos sur quel point se portait maintenant L’effort du marquis de Gallo. N’ayant pas obtenu les secours qu’il était venu demander à l’Autriche, il voulait les demander à la Russie. Mais ce n’était plus pour rétablir le Roi sur le trône puisque ce prince y était remonté, c’était pour favoriser l’agrandissement de son royaume.

Ici se pose la question de. » savoir si le marquis de Gallo, que nous allons voir s’appliquer à la réussite de ce nouveau projet, était autorisé, par les instructions antérieures de sa cour, à en poursuivre l’exécution ou s’il en a pris l’initiative. Plus tard, lorsque, comme nous le raconterons, il sera désavoué par le Roi lui-même, lorsqu’on blâmera « son imprudente témérité, » et lorsqu’on lui reprochera d’avoir offensé l’Autriche en sollicitant l’appui du Tsar, il rappellera que ce qu’il a fait, il avait été invité à le faire. Rien de plus vrai, car s’il ne reste aucune trace d’instructions écrites qui lui auraient été données, il résulte de sa correspondance qu’il avait reçu des instructions verbales positives, et bien qu’on l’eût investi de pouvoirs illimités,