Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auquel elle était destinée. Lorsqu’elle mit le pied en Italie, l’Autriche alléguant la nécessité, pour les coalisés, de porter d’abord tous leurs efforts sur le Nord de la péninsule, prit sur elle de la détourner de sa destination : ce fut même là un des griefs du roi Ferdinand contre le gouvernement impérial. Comme on l’a vu, il avait consenti à entrer dans la coalition et traité secrètement dans ce dessein avec les Cabinets qui s’y étaient engagés. Ainsi, tout se préparait pour la reprise des hostilités dont l’utilitaire Autriche se réservait de fixer l’heure. Si elle eût été prévenue à l’avance de l’intention du roi de Naples de marcher sur Rome, elle s’y fût opposée. Mais, nous l’avons dit, Ferdinand avait agi sans la consulter, et l’armée napolitaine était déjà en route, lorsque la nouvelle de l’expédition fut connue à Vienne.

En l’absence du marquis de Gallo, antérieurement rappelé à Naples, l’intérim de la légation des Deux-Siciles avait été confié à un chargé d’affaires, le chevalier Giansante. Ce diplomate eut à subir les premiers éclats de la colère dont fut saisi l’empereur François II, en apprenant la folle équipée de son beau-père, colère d’autant plus violente que le ministre Thugut s’était plu à l’exciter en laissant entendre à son souverain que, depuis longtemps, les ministres siciliens accrédités auprès des cours étrangères se répandaient contre la maison d’Autriche en propos malveillans et s’unissaient aux diplomates anglais pour la déconsidérer. L’Empereur n’était que trop disposé à prêter l’oreille à ces insinuations. Il savait le gouvernement anglais hostile à la politique d’agrandissement qu’il poursuivait en Italie. Il crut donc à ce que lui disait Thugut, encore que ce ne fût vrai qu’en partie. On trouve les preuves de sa crédulité et de son irritation dans le langage qu’il tint au chevalier Giansante.

Il lui reprocha durement la conduite du roi de Naples :

— La Cour que vous représentez, lui dit-il, a trompé ma confiance et n’en est plus digne. C’est pour s’affranchir de mon influence qu’elle a obéi aux suggestions de l’Angleterre, projeté cette expédition qui dérange tous mes plans et dont il n’est que trop aisé de prévoir Tissue. Puisqu’elle s’est fourrée dans ce guêpier à l’instigation des Anglais, c’est aux Anglais de l’en tirer. Pour moi, je ne saurais assumer la responsabilité d’un acte inexcusable et marqué au sceau de la folie.