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V. — VARÈSE

Ce n’est pas au bord du lac de Varèse, comme une phrase un peu ambiguë le laisserait croire, que Taine souhaita d’avoir une maison de campagne ; il ne s’approcha même pas de ses rives et se contenta de le regarder de la route qui mène à Laveno. Ce fut le lac Majeur qui l’enthousiasma au point de désirer y vivre, le préférant au lac de Côme dont il ne sut pas goûter la volupté. Mais je comprendrais que la ville de Varèse eût fixé son choix, car elle est charmante et ses environs comptent parmi les coins les plus ravissans de la Lombardie. Gaie, prospère, animée, parfois même grouillante aux jours de ses célèbres marchés et de ses courses de chevaux, les Milanais l’ont adoptée comme une de leurs villégiatures préférées et y ont fait construire de riches villas. En dehors de ces périodes de fête, comme elle est ignorée des touristes, on peut y paresser tout à son aise et savourer le calme majestueux de son jardin public, l’un des plus beaux qui soient dans l’Italie du Nord. C’est le parc de l’ancienne Corte que le duc François III de Modène avait édifiée au XVIIIe siècle. Planté dans le vieux style italien, il est infiniment noble et sévère. Des charmilles centenaires encadrent de larges pelouses. Je me rappelle l’avoir vu jadis, au printemps, quand les camélias, les marronniers, les lilas, les magnoliers d’Australie aux souples fleurs blanches l’emplissaient de leurs jeunes parfums. Aujourd’hui, les senteurs moins fortes, mais plus subtiles de l’automne enfièvrent les bosquets. Dans le fond, une hauteur ombragée de sapins et de pins parasols donne à ce jardin plus de caractère encore et plus de grandeur ; de cette terrasse, la vue s’étend sur tout le lac de Varèse et jusqu’à la chaîne des Alpes occidentales que domine toujours le mont Rose. En se retournant, on aperçoit, par-dessus les toits de la ville, la Madonna del Monte et, plus loin, le Campo dei Fiori, qui surplombe de mille mètres la plaine, incomparable belvédère où, depuis quelques jours, hélas ! on monte en funiculaire. Déjà un chemin de fer à crémaillère avait déshonoré l’illustre pèlerinage de la Madonna que l’on gravissait jadis à pied ou en charrette à bœufs, par un rude chemin de croix aux interminables lacets. Comme on savourait mieux alors la joie de s’élever peu à peu et de découvrir