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qu’a toute âme d’une autre âme pour tromper l’angoisse d’être seule devant le mystère des choses. Autour des vieux arbres à demi défeuillés et des gazons déjà flétris, rôde l’odeur de l’automne qui, elle aussi, incline à l’amour par la mélancolie.


IV. — VARALLO

Rien n’est plus charmant que le trajet de Novare à Varallo. On marche d’abord au milieu des hautes ondulations des rizières dont les épis lourds et serrés sont couchés, par vagues, comme sous une houle soudainement figée. Une douce lumière argenté la campagne matinale et se joue à travers la fine brume si caractéristique de ces régions toujours humides, brouillard impalpable mais partout présent où, selon le mot de Michelet, « flottent la fièvre et le rêve. » A l’horizon, les montagnes sont imprécises ; à peine distingue-t-on la ligne neigeuse des grandes Alpes.

A Romagnano, les collines commencent brusquement et, très vite, s’élèvent. On rejoint la Sesia dont on remonte le cours jusqu’à Varallo. Ce val, l’un des plus beaux de ceux qui descendent du massif du mont Rose, est à la fois fertile et industriel. Des arbres fruitiers, des vignes plantureuses aux épaisses guirlandes, des forêts de châtaigniers donnent à tout le pays un aspect verdoyant. Peu de fermes isolées, mais de gros bourgs avenans et prospères, suivant la mode italienne. Déjà Tacite, dans sa Germania, remarquait que les habitans de l’autre versant des Alpes espacent leurs maisons, alors que les Latins les réunissent le plus qu’ils peuvent pour former des villages, avec un souci constant de l’alignement et de l’effet d’ensemble. Ceux-ci ont toujours eu pour idéal la vie urbaine, la cité. Tout l’instinct aimable et social de la race est dans ces groupemens qui assurent plus de facilités d’existence et plus d’occasions de gaieté. Les populations que nous croisons sur la route ou dans les hameaux sont saines, riches, heureuses de vivre. Les paysannes portent de curieux costumes aux couleurs éclatantes ; elles nous sourient au passage ou nous saluent d’un geste gracieux. On sent que tous ces gens aiment le soleil et qu’il suffirait de quelques gouttes de pluie ou d’un peu de brouillard pour qu’il n’y ait plus personne dehors. Les