Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mieux ; mais si on ne la veut pas, cette attitude est-elle vraiment la meilleure ? On ne l’a cru ni à Berlin, ni à Londres : on a pensé qu’on pouvait en atténuer la rigueur sans être accusé de modifier sa politique générale. Sans doute tout est en évolution dans le monde ; choses et hommes ne sont pas tout à fait les mêmes de six mois en six mois, souvent même à de moindres intervalles ; c’est l’affaire de la diplomatie de surveiller de près ces changemens que la foule n’aperçoit pas toujours ; mais, parce que ces changemens se produisent et qu’ils sont inévitables, il ne faut pas croire à des volte-face complètes, à des modifications profondes, à des substitutions radicales d’une politique à une autre. En somme, ce sont les circonstances qui sont changées et elles le sont heureusement : profitons-en pour vivre avec les mœurs de la paix, sans oublier pourtant que la guerre peut survenir d’un moment à l’autre, surtout à celui où nous l’attendrons le moins.

D’autres rapprochemens que celui de l’Angleterre et de l’Allemagne peuvent se produire sans que nous ayons davantage à en prendre ombrage, celui, par exemple, de la Russie et de l’Autriche. La mort même du comte d’Æhrenthal peut y aider. Ce ministre entreprenant, mais qui s’est montré dans la seconde partie de sa carrière aussi prudent qu’il avait été hardi dans la première, avait amené entre la Russie et l’Autriche une mésintelligence qui n’était pas dans ses intentions et qu’il s’efforçait d’apaiser : peut-être son successeur y réussira-t-il mieux que lui, parce qu’il n’aura pas provoqué les mêmes susceptibilités. A tout cela nous n’avons rien à objecter. Il restera dans le monde assez de causes de conflits pour que nous n’ayons pas à regretter qu’on en supprime quelques-unes, à la condition bien entendu que les alliances, les amitiés, les ententes restent ce qu’elles ont été et ce qu’elles doivent être. Ce qui nous rassure à ce sujet, c’est, comme l’a dit M. Ribot au Sénat, que ces combinaisons politiques ne sont l’effet ni de la fantaisie, ni du hasard, mais bien d’intérêts profonds et permanens, et des obligations presque fatales qui en résultent. La surface des choses change seule : la communauté et l’opposition des intérêts mettent plus longtemps à le faire. Les alliances et les ententes, si elles ne sont pas éternelles, car rien ne l’est, sont du moins durables comme les intérêts qu’elles représentent. Et rien, dans la situation de l’Europe, n’en menace pour le moment la stabilité.


Il y aurait peut-être à se préoccuper davantage de la prolongation de la guerre italo-turque. Quels que soient l’intelligence et le courage