Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Sénat, reviendra devant la Chambre. La Chambre et lui peuvent vivre ainsi côte à côte pendant assez longtemps, à la condition de ne pas se heurter par les points sensibles, et la réforme électorale abonde en points de cette espèce. Les majorités mêmes que le gouvernement a obtenues dans cette affaire ne sont pas de nature à inspirer une grande confiance pour l’avenir ; elles sont trop nombreuses, elles sont trop composites, elles comprennent à la fois des élémens d’extrême-droite et d’extrême-gauche ; ce sont des majorités de circonstance et non pas des majorités de gouvernement : nous entendons par là des majorités avec lesquelles on peut gouverner. Et c’est là une des infirmités du régime parlementaire, tel qu’il se comporte actuellement ; les partis n’y sont pas solidement constitués ; à tout propos, ils se mêlent et se confondent dans des coalitions de hasard, nécessairement provisoires, après lesquelles il ne reste que de la confusion. La réforme électorale, si elle est votée, atténuera peut-être ce vice d’organisation : elle aidera à se créer des partis mieux formés. Un des principaux argumens des radicaux contre la réforme consiste à dire que, s’ils se divisent en face d’autres partis qui resteront unis, ils seront battus quoiqu’ils aient la majorité. — Eh bien ! leur dit-on, ne vous divisez pas : la réforme a précisément pour objet de pousser les grands partis à prendre conscience d’eux-mêmes et à augmenter leur force d’union. — Les radicaux répondent à cela qu’ils ont l’habitude de se battre entre eux et que c’est une habitude difficile à perdre. Ils comptent sur le second tour de scrutin pour réparer la dispersion de leurs forces au premier ; mais, précisément, la réforme supprime ce second tour. A nos yeux, tous ces griefs contre la réforme font apparaître ses mérites : elle aura rempli un de ses principaux objets si elle supprime les détestables pratiques dont nous venons de parler. Mais les radicaux sont obsédés par une pensée secrète : Nous sommes bien ainsi, pourquoi changer ? Le régime électoral est bon puisqu’il nous élit.

Là sera peut-être un jour, que nous espérons lointain, la pierre d’achoppement du ministère. Il veut la réforme, il est sincère dans son affirmation, il l’est beaucoup plus que d’autres qui approuvent la représentation proportionnelle du bout des lèvres parce qu’ils l’ont promise à leurs électeurs et que leurs électeurs y tiennent ; mais, eux, n’y tiennent pas et ils seraient bien aises de la voir échouer sans qu’on pût dire que c’est de leur faute. Au fond de la situation actuelle, il y a cette équivoque. Soyons donc patiens et point trop exigeans pour le ministère. Nous n’attendons pas de lui qu’il nous