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ministérielles, et il a voté dans le sens du ministère. Video meliora... Voir le bien et le faire ont été de tout temps deux choses très différentes.

Quant à la Chambre, elle prend, quitte et reprend encore la loi électorale sans lui faire faire un pas décisif vers le dénouement. Il faut une grande subtilité d’esprit et une connaissance approfondie des manœuvres parlementaires pour voir à peu près clair dans la mêlée à laquelle nous assistons. A quoi bon demander à nos lecteurs un effort d’attention qui ne mènerait à rien et qu’il faudrait probablement recommencer dans quelques jours sur de nouveaux frais sans aboutir davantage ? Nous ne manquerons pas de les tenir au courant des résultats lorsqu’ils seront acquis, mais ce ne sera sans doute pas avant assez longtemps. Cette réforme du scrutin de liste avec représentation proportionnelle dont le pays a accueilli l’espérance avec satisfaction et qui, sans être une panacée capable de guérir tous nos maux, en atténuerait du moins quelques-uns, est en péril par les résistances que lui opposent les radicaux. Les radicaux sont les bénéficiaires du régime actuel ; s’ils en représentent tous les vices, ils en recueillent tous les avantages et, dès lors, tout changement leur répugne. Les mares stagnantes n’ont rien qui leur déplaise, ils y vivent à l’aise et ne pardonnent pas à M. Briand d’en avoir autrefois dénoncé la pestilence. C’est pour ce motif qu’ils se sont appliqués à lui rendre la vie impossible et l’ont amené à donner sa démission. Ils ont commencé à respirer sous les ministères Monis et Caillaux, mais ces ministères ont été de courte durée, et, après eux, la question électorale, qu’ils n’avaient pas pu éliminer complètement, est revenue tout entière et s’est imposée au gouvernement nouveau. Celui-ci est composé d’amis et d’adversaires de la réforme, mais les premiers dominent et les seconds se sont inclinés : peut-être se sont-ils seulement réservés. M. le président du Conseil, en particulier, est un partisan résolu du scrutin de liste avec représentation proportionnelle. S’il est disposé à faire, dans les applications de détail, les concessions nécessaires, il est résolu à maintenir intact le principe de la réforme et à en sauver l’essentiel : en quoi, il aura d’autant plus de mérite qu’il rencontrera devant lui, et il le sait bien, l’opposition, tantôt directe et avouée, tantôt indirecte et sournoise, mais non moins dangereuse pour cela, de ces mêmes radicaux qui, après avoir découragé M. Briand, espèrent bien recommencer avec lui le même jeu. Il a reçu déjà leurs députations et leurs sommations menaçantes, mais il a résisté à l’assaut, soit dans son cabinet, soit à la tribune,