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sur les mérites comparés des dix écrivains français les plus illustres qui ressemble à un débat de professionnels, sinon de professeurs. Ici et là on constate que les convives, une fois qu’ils ont pris la parole, ne la cèdent pas volontiers. Ils exposent, ils dissertent. Apparemment c’est que les femmes n’avaient pas ici leur place : on était entre hommes et la conversation s’en ressentait.

Peu de salons, de nos jours, semblent avoir eu une influence plus réelle. Le but de la maîtresse de maison avait, paraît-il, été, depuis longtemps, d’exercer « une maîtrise souveraine sur les événemens de son pays, d’y jouer un rôle décisif et d’être, dans la coulisse, une sorte d’Égérie toute-puissante. » Noble but, que la comtesse de Loynes atteignit ! « Elle a fait, comme en se jouant, des députés, des sénateurs, des opposans, des présidons de ligues et de conseil municipal, des directeurs de revues, de journaux, de théâtres. Elle a fait des académiciens, elle faillit faire un César. » Par là, elle poursuivait le « relèvement de notre pays. » Son biographe y insiste. On comptait avec son opinion, en littérature, en politique, en religion. Un tel résultat, surtout quand on songe au point de départ, est tout à fait remarquable.

La vie, pour qui sait la regarder, et sans qu’il soit pour aucun de nous besoin d’aller chercher fort loin ses exemples, n’est rien de plat ni d’ennuyeux. Telle est, me semble-t-il, l’opinion dernière qu’en a l’auteur de Ce que je peux dire. Il y assiste comme à une comédie. C’est l’amateur de théâtre qui a vu beaucoup de pièces et qui s’y amuse toujours. Après cela, est-il dupe du spectacle autant que son empressement à y applaudir le ferait croire ? On se le demande en fermant le livre, et cela ne laisse pas d’ajouter au plaisir de la lecture un certain piquant.


R. D.