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de mer, il ne vise pas seulement les équipages. Le décret-loi du 22 mars 1852, remanié en 1898 et 1907 dont se plaignent les inscrits, ne leur est pas spécial : il s’applique pour partie à toute personne embarquée, même aux passagers ; il est la loi constitutive d’une petite société humaine isolée entre le ciel et l’eau.

Reste l’Inscription même, mesure d’ordre, enregistrement officiel d’apprentissage, et le compte des déplacemens tenu par les bureaux. Si la première opération ne représente essentiellement, dans le domaine économique, qu’un contrôle des livrets individuels produits par les marins comme référence, la seconde conserve de toute nécessité un sens militaire : quel que soit le régime du recrutement, l’administration de la marine devra connaître les mouvemens des hommes mobilisables. À terre les ouvriers font dans les mairies une déclaration pour tout changement de résidence. À la mer on ne peut se dispenser d’étendre cette obligation au simple voyage professionnel, ou plutôt à l’embarquement, lequel attache l’homme à un bateau, facile à suivre. Mais si la demi-solde actuelle disparaissait, pour donner place à une pension purement industrielle sur la caisse nationale des retraites, le service de l’Inscription maritime n’aurait plus à tenir la comptabilité des mois de navigation. Celle-ci se trouverait mentionnée sur le livret individuel ; il en est ainsi déjà pour les agens du service général (cuisiniers, maîtres d’hôtel des paquebots, etc.). En déchargeant encore la marine de la tutelle minutieuse qu’elle exerce à diverses occasions sur la population des côtes, on simplifierait les rouages d’une administration surabondante.

Nous ne comprenons pas dans les changemens souhaitables la suppression des concessions de parcs et de parcelles prises sur le domaine public maritime. Certains voudraient voir affermer à de grandes sociétés, comme en Hollande, ces exploitations côtières. Il semble préférable de conserver aux pauvres gens du littoral ces menus ateliers familiaux, qui possèdent les avantages sociaux de la petite propriété. Rien n’oblige à lier les concessions de l’espèce à la pratique de la navigation professionnelle, morne, comme aujourd’hui, par un simple droit de préférence, et par une exonération spéciale de tout impôt.

Au total, ce qu’il convient de réclamer, c’est la liberté. Non la liberté sans bornes et sans règles, qui permet aux plus forts