Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il reconnaît aux marins le droit qu’ont aujourd’hui les habitans de l’intérieur de ne servir que deux ans, mais il leur enlève celui d’être uniquement affectés au service de la flotte. Après avoir choisi dans ces hommes ceux dont elle aura besoin comme matelots de pont ou dans ses services à terre, la marine remettra le reste à l’armée. Pour recruter ses spécialités, elle aura recours aux engagemens volontaires d’au moins trois ans et généralement de quatre. Mais elle fera des avantages particuliers aux inscrits qui voudront s’engager : avantages de solde, d’emplois civils après congédiement, de préférence pour les concessions, etc. D’autre part, aux gens du service de deux ans elle ne donnera plus qu’une solde réduite : celle de l’armée de terre ; et les économies de ce chef couvriront en partie les dépenses nouvelles occasionnées par l’engagement.

Si ce projet maintient encore l’Inscription maritime, il achemine à sa suppression ; il la supprime presque, en fait, au point de vue militaire, et règle la question du recrutement à la satisfaction de la marine. Il utilise les réserves surabondantes d’autrefois en les versant dans les régimens. Il favorise l’incorporation à bord d’élémens choisis parmi le personnel des marins de profession. Il donne ainsi le moyen d’éliminer les apaches qui depuis quelques années gangrènent nos équipages. On lui fait, il est vrai, le reproche de favoriser à l’excès les gens de mer en réduisant leurs charges légales sans réduire les avantages correspondans. Il maintient entre eux de grandes inégalités. Il en établit surtout d’injustifiables entre les volontaires contractant des engagemens à long terme et également utiles à la marine, mais provenant les uns de la navigation commerciale, les autres de l’industrie. Si les mécaniciens pris à l’intérieur du pays rendent à bord des services aussi indispensables et aussi pénibles que les pêcheurs devenus timoniers ou fusiliers, pourquoi les uns, en échange du même dévouement, recevraient-ils plus que les autres ? N’est-ce pas se condamner à subir les réclamations des sacrifiés ?

Il semble donc qu’il faille faire un dernier pas, et, cessant de demander au budget de la marine la rançon d’une situation économique appelée à disparaître, régler le recrutement en seule considération des intérêts militaires. Réduisant comme ci-dessus l’assujettissement obligatoire à deux ans, il resterait à favoriser les engagemens à long terme par des procédés divers.