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Le 4 juillet 1906, le sénateur Tiepolo interpella le ministre au sujet des règles qui avaient amené la commission de reconstruction à décider l’émergence de cinq gradins au lieu de trois, à la base de la tour. Le ministre battit en retraite. En décembre 1905, dit-il, la commission de reconstruction adopta à l’unanimité un rapport du Conseil municipal de Venise. Mais, plus tard, l’architecte Manfredi combattit cette décision. Que faire ? Démolir le travail déjà fait pour retarder l’œuvre définitive ? Le gouvernement n’est pour rien dans tout cela. Cette décision regarde surtout le Conseil municipal de Venise.

Quelques jours plus tard, Montecitorio eut son tour. Le gouvernement désarmé, répondit le ministre, ne peut intervenir ; il a contribué aux travaux de reconstruction, mais sans endosser aucune responsabilité quant à l’exécution. En réalité, c’est la municipalité vénitienne qui dirige les opérations. Quand on découvrit les cinq gradins de la base, les habitans, les conseillers, les artistes, les cinq experts techniques, personne n’était d’accord au sujet de la restitution.

D’autre part, plusieurs commissions successives donnèrent des avis et des conseils. Une dernière cassa les opinions des précédentes et approuva la conclusion de l’architecte Moretti, au sujet des cinq gradins et de la disposition des matériaux. On décida en conséquence de monter la tour sur cinq marches visibles au-dessus du dallage de la Place.

Pendant ces discussions un peu oiseuses, le temps n’était pas tout à fait perdu : une armée d’ouvriers taillait les pierres et polissait les marbres. En juin 1907, on reprit enfin les travaux d’édification, avec ardeur cette fois, comme pour rattraper le temps perdu. Si bien qu’en avril 1908, la nouvelle tour avait 17 mètres, et l’on calculait qu’au taux de 3 mètres par mois, l’achèvement aurait lieu à la fin de 1910. Ces prévisions se vérifièrent. Le campanile grandissant peu à peu, il fallut s’occuper du nouveau jeu de cloches. En souvenir de son patriarcat, le Pape offrit à ses « prediletti veneziani » une batterie de cloches neuves. La municipalité accepta, et, en avril 1909, une usine de l’île Santa Elena fondit les fragmens de bronze recueillis parmi les décombres. Après le refroidissement du métal, il fallut s’assurer que les nouvelles cloches avaient le même timbre que la Maranzona, seule sauvée du désastre. Par un hasard providentiel, quelques jours avant le crollo, le maestro Perosi