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parallèle. Le 18 juin 1898, au moment où M. Hanotaux, démissionnaire avec le Cabinet Méline, était encore chargé de l’expédition des affaires, le comte de Münster, ambassadeur d’Allemagne, lui remit un mémorandum relatif aux colonies portugaises qui semblait témoigner, de la part de l’Allemagne, d’un désir d’entente avec nous. Le ministre démissionnaire attachait de l’importance à cette communication diplomatique ; il y voyait l’amorce d’une négociation dont il indiqua la marche dans une note adressée au ministre de France au Caire et communiquée, comme d’usage, à nos ambassades[1]. Le nouveau Cabinet ne donna pas suite à l’affaire et le gouvernement allemand ne renouvela pas sa démarche. Le dernier litige grave entre la France et l’Angleterre fut réglé dans un tête-à-tête entre les deux adversaires, dans des conditions douloureuses pour nous (traité du 21 mars 1899).

On a vu « un système » dans la politique pratiquée par M. Hanotaux. Il n’y a pas de « système, » mais seulement une méthode, eu quelque sorte interne, qui s’attache à saisir l’enchaînement des faits et à en suivre les fluctuations. Cette méthode d’équilibre pouvait avoir ses inconvéniens, ses dangers, mais il faut croire qu’elle convenait à la situation, puisque le succès a confirmé sa valeur. Sa pratique exigeait beaucoup de doigté, de mesure, de tact diplomatique et aussi cet esprit de justice dans les relations internationales dont nos défaites et la mutilation de notre patrie nous ont fait sentir tout le prix. Appuyée sur la Russie, la France, sans avoir alors à opter entre l’Angleterre et l’Allemagne, évitait de rompre avec l’une ou avec l’autre. Même lorsqu’elle concluait l’alliance russe, elle ne négligeait pas de rassurer l’Angleterre ; en revenant de Cronstadt, l’escadre de l’amiral Gervais fit visite, à Portsmouth, à la reine Victoria.


Après la période de « recueillement » et d’alarmes qui va de la paix de Francfort au Congrès de Berlin, nous avons vu s’ouvrir et se développer une phase nouvelle durant laquelle la France fait sa rentrée dans la politique européenne et prend son lot dans le partage du monde. Pendant toute cette période, de nombreux ministères se sont succédé, des hommes de tempéramens très différens se sont remplacés au quai d’Orsay. Souvent

  1. Voyez Fachoda, par M. G. Hanotaux, 1 vol. in-16 ; Flammarion.