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en harmonie et s’opposeraient aux intérêts britanniques ; de là, entre les deux gouvernemens, plus de bon vouloir réciproque, des conversations diplomatiques plus fréquentes ; aucune entente générale, mais seulement, « de cas en cas, » des entretiens courtois, qui, dans les questions extra-européennes, aboutissent sans difficultés à des accords loyaux. L’Allemagne, à cette époque, se montrait volontiers accommodante dans les questions coloniales.

Un exemple montrera comment la diplomatie française, habilement maniée par M. Hanotaux, savait, sans qu’il nous en coûtât rien, faire servir la bonne volonté du Cabinet de Berlin aux fins de notre politique. Dans l’été de 1896, M. Hanotaux estima le moment favorable pour débarrasser la Tunisie de toutes les servitudes étrangères que le protectorat avait laissées subsister. J’ai déjà exposé ici cette négociation et expliqué son importance[1] ; il suffira de rappeler la méthode dont elle est l’application. Il s’agissait d’obtenir des puissances une renonciation à des privilèges qu’elles possédaient, et cela, gratuitement, sans que rien les y obligeât. Comment s’y prendrait-on ? Allait-on s’adresser d’abord à nos alliés ou aux petits Etats ? On était assuré d’avoir leur consentement en temps utile. L’Angleterre serait évidemment la plus réfractaire à une entente. Il fallait donc commencer par une puissance triplicienne. Laquelle ? L’Italie, dès lors qu’il s’agissait de la Tunisie, se montrerait revêche. L’Allemagne pourrait s’étonner qu’on se tournât d’abord vers elle, se mettre en défiance, peut-être avertir Londres. Le ministre saisit l’occasion d’une de ces petites négociations d’affaires que le public ne connaît pas et qui sont la menue monnaie des relations diplomatiques, pour gagner le Cabinet de Vienne et l’amener à ses vues ; moyennant une très légère concession douanière, l’Autriche signa la déclaration du 20 juillet 1896, par laquelle elle renonçait à invoquer en Tunisie le régime des capitulations et à réclamer pour elle-même, en vertu de la « clause de la nation la plus favorisée, » le régime établi ou à établir, en matière de douanes et de navigation, entre la France et son protectorat tunisien. L’Italie, pressée par nous de suivre l’exemple de son alliée, ne put s’y

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1902 : Bizerte, et notre livre, l’Empire de la Méditerranée, p. 348 et suivantes. Voyez aussi le Livre jaune intitulé : la Révision des traités tunisiens.