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produits au moindre coût et dans le moindre temps, ce qui est important, car on ne moissonne qu’à la fin d’août et il faut gagner la voie économique des Grands Lacs avant qu’ils gèlent en novembre. A la réalisation de ce triple but le tarif protecteur constitue un grave obstacle.

Pourquoi, disent les colons de l’Ouest, faire de nous les cliens forcés des industries de serre chaude du vieux Canada de l’Est, de ces syndicats de quelques usiniers qui nous exploitent, quand nous pouvons trouver à bien meilleur compte et plus près de nous à Chicago, à Omaha, à Minneapolis, des tôles pour couvrir nos bâtimens, du fil de fer pour nous clore, des machines agricoles pour travailler nos champs, des minoteries pour moudre nos blés, en attendant le jour très prochain où nous y trouverons aussi un nouveau marché pour nos produits, car les Etats-Unis, qui exportaient, il y a dix ou quinze ans, 80 ou 100 millions d’hectolitres de blé, n’en exportent plus que 20 et sont à la veille d’en importer ? Pourquoi aussi nous astreindre à nous servir des trois seules voies ferrées, toujours encombrées, qui nous relient aux Grands Lacs par le territoire canadien, quand une dizaine de lignes franchissent la frontière américaine et enlèveraient nos blés au plus vite ? Pourquoi, en un mot, nous imposer des relations économiques artificielles avec le Canada de l’Est, dont nous séparent les vastes espaces stériles qui s’étendent au Nord du Lac Supérieur et du Lac Huron, quand la nature nous invite à regarder vers le Sud, à commercer, par-delà la frontière idéale du 49e degré, avec les centres de l’Ouest américain, plus peuplés, plus riches, plus rapprochés de nous que Montréal ou que Toronto ?

Ces réclamations sont présentées d’une voix d’autant plus impérieuse que beaucoup des colons de la Saskatchevvan et de l’Alberta sont des Américains d’origine : sur 152 000 immigrans arrivés en 1909 au Canada, 72 000 viennent des Etats-Unis, et, si l’on ne considérait que l’Ouest, la proportion des Américains serait plus forte encore. Pionniers éprouvés, tous munis d’un certain capital, ils sont l’élément le plus actif de la colonisation. Ils ne répugnent pas à devenir, sous des institutions très analogues aux leurs, les sujets théoriques du roi George ; mais ils ne peuvent admettre d’acheter très loin et très cher, pour le bénéfice de quelques industriels, les machines et les fers qu’ils